Introduction
Le
touriste qui parcourt rapidement les ruines des anciens monuments
ou les musées a souvent limpression que lEgypte
présente un visage uniforme pendant plus de 3000 ans. LEgypte,
terre de limmobilisme, du conservatisme, de la tradition :
cest un a priori très répandu dans le public.
Mais cette apparente immobilité est due à léloignement
de cette civilisation par rapport à la nôtre, dans le temps
et dans la culture. Si lon lobserve de plus près,
des traits particuliers caractérisent chaque époque. Larchitecture
ne fait pas exception.
I/
Larchitecture égyptienne, de grandes constructions
A/
Gigantisme et multitude
Les
édifices de lEgypte se classent en deux groupes bien
distincts : dun côté, les habitations ; de
lautre, les tombeaux et les temples. Les bâtiments dhabitation,
éphémères comme la vie, sont construits avec des matériaux
peu durables : de largile, du bois ; les édifices
du culte, destinées à consacrer les croyances religieuses
ou le souvenir des morts, présentent seuls le gigantisme et
la multitude des monuments de lantiquité égyptienne.
La
taille gigantesque de certains monuments est remarquable.
Traversant plus de 3000 ans, il suffit de citer :
IVe
dynastie (2620-2500 av. JC), la grande pyramide du
roi Snéfrou à Saqqarah et Celle de son fils Khoufou (Chéops)
à Gizeh, considéré par les Grecs comme lune des sept
merveilles du monde. La Grande Pyramide de Khoufou mesure
à la base environ 230 m, couvre plus de 5 hectares ;
la hauteur : encore actuellement de 138 m, devait être
à lorigine à peu près 146,60m. Son volume de 2,6 millions
mètres cubes nécessita un nombre fabuleux de pierres, près
de 6 millions de tonnes.
Le
grand Sphinx de Gizeh qui mesure 19,8 mètres de hauteur
et 73,2 mètres de longueur. Probablement la sculpture la plus
célèbre au monde
Le
temple de Karnak qui couvre plus de 100 hectares sur la
rive orientale du Nil,
Et
aussi les colosses de Memnon, les deux statues assises
du roi Aménophis III (XIVe s. av.J.C.). Chacune
est taillée dans un seul bloc de grès et mesure, sans son
socle, plus de 15 m de hauteur.
Les
nombres colossaux de monuments témoignent encore du goût
du grandiose des Egyptiens.
Le
roi Ramsès II a laissé derrière lui de nombreux temples somptueux
partout en Egypte. Seulement en Nubie, il a construit 7 sanctuaires,
en 6 lieux différents séchelonnant le long du Nil, dont
le plus connu est Abou Simbel.
De
plus, les Egyptiens consacrent à leurs temples de statues
colossales et des obélisques gigantesques. Les statues
de sphinx se répètent partout : on utilise une allée
de sphinx longue de plus de 2,5 km pour relier le temple de
Karnak à celui de Louqsor.
B/
Lart de construire, malgré la simplicité et les limites
techniques
La
grandeur de la construction se pose, de lautre côté,
sur la grande capacité des Egyptiens daccomplir un tel
gigantisme. Presque aussi pauvre en matières ligneuses que
les autres oasis du désert dAfrique, elle ne produit
que du bois sans résistance. Ses matériaux de construction
courante sont assez pauvres : les terres argileuses du
Nil pour les habitations, et les blocs de pierres pour les
monuments. Lart de lEgypte est caractérisé par
la simplicité, souvent rudimentaire, mais avec ingénieuse,
patiente et appliquée : largile permet délever
des voûtes sans recourir aux installations complexes de cintres
ou déchafaudages ; la pierre est employée sous
forme de supports verticaux surmontés de plafonds en grandes
dalles.
Quelques
astuces :
Lutilisation
de sable et de briques :
A
mesure de la construction, les bâtiments étaient comblés de
sable et de briques, puis déblayés progressivement lorsquon
procédait à la décoration, à partir du haut des murs. De longues
rampes de sable et de briques permettaient damener les
blocs en haut.
Sacs
de sable : Ex. la pose dune architrave, on
fait dabord glisser la pierre sur des rouleaux jusqu'à
lendroit désiré, et puis on remplace les rouleaux par
des sacs de sable, il suffit enfin de vider ces sacs pour
faire descendre le bloc à la place quil doit définitivement
occuper.
En
guise de règle, on emploie le cordeau pour régler les
assises, dresser les parements et poser les briques.
·
cas dun obélisque en avant dun pylône
1)
Emballer lobélisque dans une armature de bois liée au
long traîneau qui servait denlever lobélisque
entre 2 bateaux et le faire sortir de la carrière. Pendant
le transport faire glisser sur le sol jusquà leur lieu
dérection. Profiter des crues du Nil pour par eau, le
bloc immergé perdait plus dun tiers de son poids.
2)
Mettre en place des socles de lobélisque, construction
de la rampe
3)
Tirer lobélisque sur un traîneau par des centaines dhommes,
à laide de codage.
4)
Etablissement en sous-uvre dune glissière, dressage
du bloc par affouillement du remblai sur lequel il repose
·
Toutes les opérations sont ainsi dune grande simplicité.
Ce quil faut admirer dans cet art de construire, ce
nest pas une science secrète et mystérieuse, mais au
contraire lémouvante capacité des hommes dexploiter
les ressources extrêmes de procédés sobres. La patience et
le temps viennent à bout des difficultés, seul le résultat
est important puisque les monuments sont destinés à léternité.
·
Limites de poids : de nombreuses pyramides se sont effondrées
sous leur poids. Certains temples de Ramsès II étaient en
ruine cinq ans après leur construction (donc, quelquefois,
la quantité est privilégiée face à la qualité) .
II/
Une conception riche
A/
La représentation dune conception du monde par un vocabulaire
formel
·
Quels buts se fixaient les anciens Egyptiens en construisant
des pyramides et des temples gigantesques ? Du point
de vue pratique, les pyramides sont des tombeaux, les temples
des lieux de culte. Mais ce qui distingue fortement larchitecture
égyptienne, cest laspect symbolique de ces
édifices. (Selon Jean Yoyotte : le temple est une
sorte de « centrale nucléaire »). Centre de production
et de contrôle de Maât, la vérité-justice, lordre cosmique,
il doit être la réduction de lEgypte et du cosmos entier,
où cette rencontre homme-dieu se produit vraiment.
Dans
lenceinte dun temple, outre les nombreux bâtiments
(temple principal, chapelles secondaires, dépendances économiques,
etc), on trouvait toujours une pièce deau le
lac sacré, que lon compare à locéan primordial,
au Nil, à la mer.
Sur
ce lac poussaient des plantes, qui jouaient aussi leur rôle
théologique : les papyrus peuvent être un marais où se
réfugia Isis pour mettre au monde son fils Horus, et la fleur
de lotus jaillissant du chaos pour soulever le jeune soleil
créateur.
Le
pylône est un portail monumental devant un temple composé
de deux massifs mur inclinés et qui sont réunis par une porte.
Il représente le mont dHéliopolis derrière lequel le
soleil sest levé pour la première fois.
De
même, le sanctuaire, au fond du temple, est un endroit
bas et étroit où sabrite le saint des saints.
·
Cependant, on exprime le symbolisme par un vocabulaire
architectural extrêmement simple, qui ne comprenant quun
nombre très limité de formes possibles. Ce vocabulaire formel
joue un rôle capital, qui permet à larchitecture égyptienne
de garder une image uniforme et quasi-immobile vis-à-vis de
lextérieur.
Dans
les bâtiments religieux, les couvertures sont toujours en
terrasse, les plafonds horizontaux. Les murs sont rectilignes
et leurs faces sont soit verticales, soit légèrement inclinées.
Les angles de murs sont souvent renforcés par un tore qui
souligne le départ de la corniche.
B/
Mais des concepts évolutifs
Si
les éléments fondamentaux sont simples, la conception architecturale
sévolue profondément avec le changement spirituel et
social.
Du
soleil à la terre : au début, le sanctuaire est ouvert
sous le soleil (culte solaire prédominant à lAncien
Empire ou à lépoque amarnienne), et puis après de plus
en plus fermé et sombre.
Du
royal vers lindividualisme : au début, les
tombeaux sont le privilège du roi, et de ses proches. A partir
de la fin de lAncien Empire, les conceptions religieuses
et funéraires « se démocratisent ».
Lévolution
des pyramides montre bien les mutations architecturales
selon les transformations du symbolisme. Du mastaba
qui sélevait peu au-dessus du sol, à la grande pyramide
de pierre, larchitecture devient forme et volume. On
le voit particulièrement nettement en analysant le modèle
transitoire : la pyramide à degrés de Djoser à Saqqarah,
(IIIe dynastie).
Linfluence
des croyances solaires dHéliopolis y a été déterminante.
Au début de la IVe dynaste, on cherche à mieux
matérialiser encore le symbolisme solaire, en reproduisant
limage du tertre primordial illuminé par les
premiers faisceaux de lastre à la création du monde,
cest la forme pyramidale parfaite de Snéfrou.
Enfin,
au Moyen Empire, on construit des pyramides de brique. Au
Nouvel Empire, les pyramides disparaissent au profit des hypogées
établies selon un axe rectiligne, qui senfonce par un
long corridor dans le rocher.
Larchitecture
évolue dans lensemble vers des formes de plus en
plus simples, de lAncien Empire au Nouvel Empire,
laustérité, lextrême simplification des formes
sont recherchées comme moyens de conférer au monument une
plus grande efficacité religieuse.
Au
niveau du support, ce sont les éléments qui revêtent les
formes les plus diverses : géométriques, colonnes à section
circulaires, à seize côtés où plus. Et puis les éléments de
forme géométrique laissent progressivement la place aux colonnes
végétales, ces colonnes végétales elles-mêmes changent
de forme : palmier, lotus, papyrus à fleur épanouie ou
en bouquet de fleurs.
Wei
Fu, 2001.
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