Je recherche des documents sur le test de grossesse en ancienne Egypte.
Merci de bien pouvoir m'aider.
Bonnes fêtes de fin d'année à tous.
De Henri Doranlo 2005-01-16
Dans l'un des deux derniers "Mnemonia" (revue annuelle des fouilles du
Ramesseum animée par Ch. Leblanc) il y a un article sur la question. N'ayant
pas la revue sous la main je ne peux pas me montrer plus précis sur la
référence exacte.
De HC 2005-01-16
Bonjour,
Sinon, Christiane Desroches N. doit aborder ce thème dans son dernier ouvrage ; "Le fabuleux héritage de l'Egypte" (édition Télémaque). D'après le papyrus "Carlsberg", on faisait au Nouvel Empire des pronostics sur les naissances. Dans le chapitre Médecine, on parle de déterminer le sexe de l'enfant, soit par un test par "l'hydromel", soit par celui qui utilise l'action de l'urine d'une femme enceinte sur la germination de plusieurs graines (p.142).
J'espère que ces informations vous aideront dans vos recherches.
Cordialement.
De Christiane Gueuning 2005-01-16
Bonjour,
Voici ce qu'en dit Christiane Desroches-Noblecourt dans son ouvrage:"La
femme au temps des Pharaons" (Stock/Laurence Pernoud, 1986):
"P240 « Autre moyen de reconnaître si une femme enfantera ou si elle
n’enfantera pas : [tu placeras]de l’orge et du blé [dans deux sacs de toile]
que la femme arrosera de son urine chaque jour, parallèlement des dattes et
du sable dans deux autres sacs. Si [l’orge et le blé] germent tous deux,
elle enfantera. Si c’est l’orge qui germe (la première), ce sera un garçon ;
si c’est le blé qui germe (le premier), ce sera une fille. S’ils ne germent
ni l’un ni l’autre, elle n’enfantera pas. »
Ce texte est extrait du papyrus de Berlin n°199, verso, 2, 2-5. Dans la
recette, le sable devait très probablement servir de support aux grains
d’orge et de blé, et les dattes pouvaient constituer l'engrais."
Ce test est repris par plusieurs auteurs:
- Joyce Tyldesley. "Les Femmes dans l'ancienne Egypte" (Ed. du Rocher,
Champollion, 1994) p73
- Lynn Meskell. "Vies privées des Egyptiens. Nouvel Empire 1539-1075" (d.
Autrement, Coll. Mémoires, 2002) p88
- Gay Robins. "Women in Ancient Egypt" (British Museum Press, 1993) p79
- Dr Ange-Pierre Leca. "La Médecine égyptienne au temps des Pharaons" (Ed.
R. Dacosta, 1988) p330
Le Dr Leca précise que ce test diagnostic est à rapprocher de tests modernes
basés sur l'augmentation de la folliculine dans les urines de la femme
enceinte; on sait que l'arrosage avec une solution additionnée de
folliculine facilite la naisance de certaines plantes.
Par contre, on voit mal pourquoi l'orge est associée à la présence d'un
garçon et le blé à celle d'une fille, sinon, comme le note Sauneron, que le
mot "it" désigne à la fois l'orge et le père.
J'ajouterai que pour Lynn Meskell:
"Ce pronostic était fondé sur le genre grammatical des mots égyptiens
signifiant orge et blé, respectivement masculin et féminin. »
Voilà tout ce que j'ai sur le sujet.
Cordialement,
De Sylvie Griffon 2005-01-16
>Dans l'un des deux derniers "Mnemonia" (revue annuelle des fouilles du
>Ramesseum animée par Ch. Leblanc) il y a un article sur la question.
N'ayant
>pas la revue sous la main je ne peux pas me montrer plus précis sur la
>référence exacte
Je l'ai sous les yeux, il n'y est question que de contraception.
Cordialement
De Marielys 2005-01-19
Bonjour,
Ayant travaillé sur la naissance dans la sphère privée pour mon DEA, voilà
enfin un sujet auquel je puisse répondre... Voilà la partie consacrée d'une
part aux tests de fertilité et d'autre part aux tests de grossesse, que
j'avais volontairement distingués. Malheureusement, ni les hiéroglyphes, ni
les notes de bas de page n'apparaissent ici.
Bon courage pour la lecture de ma prose !
Les tests de fertilité
Le désir de procréer se traduit par l'existence de tests de fertilité, que
l'on trouve dans différents papyrus médicaux. Notons à ce sujet que Th.
Bardinet réfute l'interprétation qui est généralement faite de ces tests,
ainsi que celle des tests de grossesse : pour l'auteur, ils ne sont ni
destinés à déterminer la fertilité d'une femme ni à détecter une grossesse
éventuelle, mais seraient plutôt un moyen de distinguer parmi les femmes
celles dont la grossesse sera normale (jwr) et qui accoucheont normalement
(msj) de celles chez qui certains troubles peuvent être attendus, pendant la
grossesse et lors de l'accouchement (qui ne seront pas ce qu'on nomme jwr et
qui ne vont pas msj) .
Toutefois, Th. Bardinet n'apporte aucun argument venant étayer cette théorie
et il serait par ailleurs fort étonnant que les Egyptiennes ne disposaient
ni de moyens évaluant leur fertilité, ni de méthodes visant à déterminer une
grossesse. En effet, pour toutes les femmes de toutes les époques, la
grossesse, qu'elle soit désirée ou redoutée, représente une incertitude
qu'elles ont toutes tentées de lever : avant de vouloir connaître le
déroulement de son accouchement, toute femme cherche à connaître son état.
Notons qu'il est généralement assez difficile de distinguer les tests de
fertilité des tests de grossesse ; certains, cependant, semblent plutôt
faire partie de la catégorie qui nous intéresse ici. C'est le cas, selon
nous, des formules n° 26 à n° 32 du P. Kahun (3, 12-24), seul papyrus
médical connu entièrement gynécologique, qui est daté du règne d'Amenemhat
III. La confusion avec des tests de grossesse ne nous semble pas permise
puisque les pronostics négatifs se terminent systématiquement par :
nn ms=s r nHH
" Elle n'enfantera jamais."
Or, les tests de grossesse visent à déterminer l'état d'une femme à un
moment donné ; ici, il s'agit visiblement d'établir ses chances de procréer
dans l'avenir.
Ces tests s'adressent uniquement aux femmes : la fertilité de l'homme ne
semble donc jamais mise en doute. C'est la femme qui, comme dans la plupart
des sociétés traditionnelles, est considérée comme responsable de la
stérilité puisque c'est elle qui porte les enfants .
Selon G. Pinch , on peut définir quatre types de causes à l'infertilité
d'une femme. On distingue les causes naturelles (l'obstruction des
conduits), la menace de démons et de divinités associés à Seth (celui-ci
pouvant provoquer des fausses-couches, comme on le voit dans le spell 148
des Textes des Sarcophages), les menaces venant de personnes mal
intentionnées et utilisant la magie, et enfin les menaces venant des morts.
Ces tests, qui ne concernent que les causes naturelles, se fondent pour la
plupart sur une conception anatomique particulière selon laquelle les
parties génitales étaient reliées à l'ensemble du corps par un réseau de
canaux. Ces conduits ne devaient pas être obstrués pour permettre
l'enfantement .
Selon ce principe, la prescription n° 28 du P. Kahun (3, 17-19) que l'on
retrouve dans le P. Carlsberg IV (Carl. IV 1, x + 4 - x + 6) préconise
l'insertion d'un oignon dans le vagin de la femme dont on doit tester la
fertilité, et ce durant toute une nuit. Si au matin, elle en a le goût dans
la bouche, c'est que ses conduits ne sont pas obstrués et qu'elle peut donc
concevoir :
" [Pour déterminer] qui enfantera de celle qui n'enfantera pas, tu
dois utiliser le bulbe d'un oignon et le laisser durant une nuit dans sa
chair, jusqu'à l'aube. Si l'odeur apparaît dans sa bouche, elle enfantera.
Si elle n'apparaît pas, elle n'enfantera jamais. "
Ce test existe aussi sous une forme légèrement différente dans la tradition
hippocratique (Hippocrate v., 59). On utilise de l'encens à la place de
l'oignon, mais le principe demeure le même. Ce que l'on pourrait appeler la
" théorie des conduits " apparaît également dans la formule n° 26 du P.
Kahun (3, 12-14) puisqu'il s'agit d'observer les vaisseaux de la poitrine
de la femme dont on soupçonne la stérilité : s'il sent ses veines battre,
elle est fertile ; sinon, elle n'enfantera jamais.
La propension à vomir de la femme que l'on examine peut aussi être un signe
de fertilité, comme en témoigne le texte de la prescription n° 193 du P.
Berlin 3038 (vso I, 3-5) : après avoir bu un mélange de lait et de
pastèque, si la femme vomit, elle est fertile, mais si elle a des gaz, elle
ne l'est pas.
Certaines formules apportent un degré de précision supplémentaire, en
déterminant le nombre d'enfants qu'aura la femme que l'on examine : c'est le
cas de la formule n° 27 du P. Kahun (3, 15-17) . Il s'agit d'observer une
femme qu'on aura fait asseoir sur un sol humidifié de bière douce, et de
compter le nombre de ses vomissements ; celui-ci, en effet, correspond au
nombre d'enfants qu'elle mettra au monde. Par contre, si la femme ne vomit
pas, elle n'enfantera jamais.
Comment déterminer une grossesse ?
Un hymne ptolémaïque à Khnoum, gravé dans son temple à Esna , témoigne que
les anciens Egyptiens connaissaient le rapport entre l'arrêt des règles et
la grossesse :
" Tu es Khnoum, le mâle copulateur qui rend les femmes enceintes, et tarit
l'écoulement mensuel à son juste moment. "
Ainsi, pour Fr. Jonckeere , le seul moyen pour reconnaître une grossesse
était l'arrêt de la menstruation. Toutefois, d'autres signes physiques
pouvaient sans doute être observés, tels que les nausées, la prise de poids,
et les premiers mouvements de l'enfant vers le troisième ou le quatrième
mois.
De très nombreuses prescriptions apparaissant dans les papyrus médicaux
semblent être des tests de grossesse. Cependant, comme nous l'avons déjà
évoqué plus haut , il est toujours difficile de savoir si ces tests ont bien
pour objet de déterminer la grossesse d'une femme ou s'il s'agit plutôt de
savoir si elle est fertile .
Dans le grand papyrus médical de Berlin (P. Berlin 3038), rédigé au Nouvel
Empire, se trouve la méthode suivante, basée sur l'observation des yeux
(prescription n° 198, vso II, 1-2) :
" Fais qu'elle se tienne dans l'encadrement de la porte : si tu trouves que
l'un de ses yeux est comme celui d'une Asiatique, et l'autre comme celui
d'une Nubienne, elle n'enfantera pas. Si tu trouves de la couleur dans l'un
(de ses yeux), elle enfantera. "
L'observation de certains détails physiques de la femme peut donc permettre
de connaître son état.
Ensuite, on peut observer les réactions de la femme dont on soupçonne la
grossesse après lui avoir fait prendre certaines potions. La prescription n°
194 du P. Berlin 3038 (vso I, 5-6) mentionne un mélange de pastèque et de
lait d'une femme ayant eu un garçon dont on doit enduire le vagin de la "
patiente " : si celle-ci vomit, elle est enceinte, mais si elle a des gaz,
elle ne l'est pas.
Notons que le lait de femme qui est utilisé dans les prescriptions médicales
en rapport avec la maternité est toujours celui de la mère d'un enfant mâle
: il semble que ce lait était considéré comme ayant des propriétés
particulières dans l'établissement d'un diagnostic .
D'autre part, des tests liés à l'urine étaient pratiqués afin de connaître
l'état d'une femme. Dans la formule n° 199 du P. Berlin 3038 (vso I, 2-6)
se trouve la méthode suivante, dont existe un parallèle lacunaire dans le P.
Carlsberg III (Carl. III, 1, 6 -x + 3) :
" Autre [test] pour voir si une femme accouchera ou n'accouchera pas.
De l'orge et du blé, que la femme doit mouiller de son urine chaque jour,
comme des dates et comme du sable dans deux sacs. Si les deux germent, elle
accouchera. Si l'orge ( bdt ) germe, c'est un garçon. Si le blé ( jt )
germe, c'est une fille. Si aucun ne germe, elle n'accouchera pas."
Selon P. Ghaliougui , notamment, la pousse du blé prédit la naissance d'un
garçon, car le terme jt est du genre masculin alors que la pousse de l'orge
détermine la naissance d'une fille, car le terme bdt est du genre féminin .
Un test tout à fait similaire à celui-ci était encore pratiqué dans
l'Allemagne du XVIII siècle, et dans cette version, la relation est inversée
car les mots allemands désignant ces céréales sont de genre contraire (le
blé est féminin, l'orge masculin).
Notons que des études modernes ont permis de montrer que l'urine d'une femme
enceinte peut en effet provoquer la germination de céréales grâce à la
présence de certaines hormones, ce qui n'est jamais le cas lorsque la femme
n'est pas enceinte. P. Ghaliougui a mené ses propres expériences sur la
question et a démontré que les céréales poussent sous l'effet de l'urine
d'une femme enceinte dans 40 % des cas, mais ne germent jamais lorsque la
femme n'est pas enceinte : les céréales germées sont donc un signe sûr de
grossesse, mais des céréales qui ne germent pas ne signifient pas
nécessairement que la femme n'est pas enceinte.
Cependant, on ignore de quelle manière ces tests étaient conduits en Egypte
ancienne et on ne peut donc pas les reproduire à l'identique.
De
Daniel BENOIT 2005-01-21
Pour ceux qui voudraient juger sur pièces, signalons que les Papyrus de
Kahoun dans l'édition de Griffith sont disponibles en ligne sur le site
d'ETANA : 1 volume de planches et de transcriptions hiéroglyphiques et 1
vol. de traductions et commentaires (les trad. sont un peu vieillies). Le
papyrus gynécologique est aux pl. V et VI.