INTERVIEWS

J. MONSERRAT-TORRENTS

J. Monserrat-Torrents dirige le département d’égyptologie à l’Université Autonome de Barcelone.

Quel a été votre parcours ?

Après une licence en philosophie, j'ai fait des études théologiques à l'Université Grégorienne de Rome. A partir de  1961 je me suis spécialisé en patristique grecque et sur la gnose avec un grand savant, le père Antonio Orbe. A l'époque, les documents de Nag Hammadi étaient mal connus, ils commençaient à être étudiés. Après avoir obtenu mon doctorat à Rome je suis entré à l'Université Autonome de Barcelone en tant que professeur de philosophie.

J'y ai enseigné la philosophie, depuis Platon, les stoïciens et les néoplatoniciens jusqu'à Kant, Marx et Sartre. Cela m'a donné une bonne formation conceptuelle qui s'est avérée très utile au moment d'étudier les textes anciens. Plus tard, j'ai abordé la philosophie indienne par un stage à Bénarès où j'ai acquis des notions de sanskrit et de vedanta. Je l’ai enseignée à mon retour. A l'époque, il n’y avait pas encore de cursus égyptologique à Barcelone. C’est le professeur Josep Padró qui a créé un master en égyptologie, qui, par manque de soutien dans son université, a disparu. C'est alors que l'Université Autonome de Barcelone a fondé son doctorat en égyptologie. Il y a de cela cinq ou six ans.

Maintenant, je m'occupe de l'enseignement de la philosophie grecque et de la langue copte pour les doctorants. En même temps je suis le directeur du doctorat d'égyptologie.

Quel est le cursus d’égyptologie à Barcelone ?

Dans le premier et deuxième cycle il n’y a que des cours d’histoire générale qui portent parfois sur des sujets égyptologiques. La spécialisation ne commence qu’au niveau du doctorat.

Le cursus porte sur trois ans, quarante cinq unités de valeur, ce qui équivaut à quatre cent cinquante heures. Tous les enseignements de l’égyptologie sont fournis, d’abord la langue égyptienne classique, puis le hiératique, le néo-égyptien. Nous n’avons pas de démotique parce que nous n’avons pas de professeur. Le copte est obligatoire pendant deux ans, ainsi que l’archéologie, la religion et la littérature égyptienne. En papyrologie, nous avons un excellent papyrologue à Barcelone, le professeur Joseph O’Callaghan, qui est à la tête de la fondation Palau Ribes, qui gère une collection de manuscrits grecs, latins et coptes.

Quelles y sont les orientations générales de la recherche ?

Pour le moment nous avons deux volets, d’un côté la linguistique, de l’autre l’archéologie. En ce qui concerne la linguistique nous préparons deux grammaires en espagnol, l’une d’égyptien classique et l’autre de copte. La plus avancée est la grammaire copte, dont la partie de morphologie nominale est déjà complète. J’espère que d’ici deux ou trois ans, nous aurons élaboré un bon choix de textes et surtout une partie de grammaire historique. Cette partie historique est l’objet de la thèse de doctorat d’Alberto Quevedo, l’un de nos enseignants de copte qui est à la tête du groupe qui prépare la grammaire.

Pour le deuxième volet, celui qui porte sur l’archéologie, nous sommes associés avec une institution privée de Barcelone, la Fondation Archéologique Clos. Ils financent une partie de nos activités, car l’université ne nous aide presque pas. La Fondation supporte les frais de plusieurs chantiers en Egypte et au Soudan. L’un se situe à Meidoum, où ils sont en train de déterrer un mastaba. En contrepartie, ils doivent aider le gouvernement égyptien dans le déblaiement de la base de la pyramide, encombrée de débris. Ils travaillent sur un autre site à Méroé, au Soudan.

La directrice de ce chantier, Francesca Berenguer, appartient à notre institut. Elle a trouvé une petite pyramide, complètement enfouie. La publication des rapports des fouilles est à la charge de la Fondation Clos. L’université ne fournit que le cadre institutionnel. Le doctorat est reconnu en tant que titre universitaire mais le financement est privé. Du point de vue de l’université, l’égyptologie n’est pas une matière prioritaire. Le recours au mécénat est obligatoire.

Le directeur de la Fondation Clos, M. Jordi Clos, propose en ce moment d’offrir les fonds pour l’ouverture d’une section d’études coptes. Cela concernerait non seulement de fouilles, mais il est question aussi de l’édition de documents. Mais je pense que le mieux serait de s’associer à des travaux qui sont déjà en cours, à Paris ou à Strasbourg par exemple. De notre côté, nous pourrions fournir les fonds nécessaires et nos experts en langues, car en copte nous ne possédons que des linguistes, et, en contrepartie, obtenir la possibilité d’envoyer des étudiants en formation.

Quel est l’état de la collaboration internationale ?

En ce qui concerne les fouilles il n’y a pas de collaboration internationale. Pour ce qui est de l’enseignement nous avons quelques contacts avec le sud de la France. Certains de nos élèves poursuivent leurs études à Montpellier. Par exemple, je suis le codirecteur d’une thèse à Barcelone dont Sydney Aufrère est le directeur à Montpellier. J’aimerais bien que les contacts soient plus fournis.

Entretien réalisé par Monica Caselles-Barriac

5/04/01

© Renaud de Spens, 2000