Pour les élèves égyptiens qui sinterrogent
sur lorientation de leurs études, une fois
le bac réussi, légyptologie nest,
paradoxalement, pas encore réellement au goût
du jour car cest une spécialité qui
reste mal connue du grand public.
Elle
subit le contrecoup dune réelle absence de
sensibilisation auprès dun large public,
surtout dun public jeune. Malgré les découvertes
régulières et retentissantes on ne lui fait
que très peu de « publicité »
à moyen ou long terme.
Dans
le monde occidental, la passion pour les pharaons naît
souvent dans lenfance ou à ladolescence
au hasard dun film, dune lecture, dune
rencontre ou dun cours en classe de sixième.
En Egypte, la quasi absence de communication sur le sujet
au niveau scolaire rend cet éveil improbable, tant
à lécole qui survole la période
antique dans les programmes dhistoire contrôlés
par lEtat (portant le nom évocateur de Matières
nationales), que dans la majorité des familles
qui ne connaissent que les grandes lignes et encore
- de ce lointain passé.
Il
faut préciser que le système scolaire égyptien,
dune complexité consommée, ne facilite
pas les choses. Il allie à un régime soutenu
dexamens continus qui débute...en maternelle,
un savant calcul qui évalue la réussite
dune épreuve en pourcentages.
En
simplifiant, disons que ces pourcentages déterminent,
par la suite, lentrée aux différentes
universités. Pour donner un exemple concret, lélève
qui prétend intégrer la faculté de
médecine ne peut pas y parvenir au dessous dun
taux de réussite variant aux alentours de 95% à
la sanaweya ama, léquivalent
du bac. Les meilleurs éléments ont naturellement
tendance à se tourner vers cette filière
considérée, parmi quelques autres, comme
socialement prestigieuse.
Lintérêt
pour légyptologie et surtout lidée
quil puisse déboucher sur des études
apparaît généralement plus tard, lorsque
le jeune égyptien termine son cycle scolaire. Le
contact avec les nombreux étrangers, touristes
ou résidents, peut également y contribuer,
dans une certaine mesure.
Cest
lUniversité dArchéologie du
Caire (établie à Giza, à quelques
kilomètres du site des Pyramides) qui assure la
formation requise. Pour y entrer, le pourcentage de réussite
à la sanaweya demandé nest
pas négligeable ce qui signifie que les étudiants
qui intègrent la filière ne lont pas
fait par défaut comme cest parfois le cas
dans les facultés de sciences humaines en France
où lon « fait Histoire » parce
quon a pas pu bénéficier dune
autre formation.
De
plus, toujours en France, les étudiants ne peuvent
réellement se spécialiser quaprès
la licence et choisir la filière égyptologique
quau moment de passer en maîtrise. Dans le
système égyptien, cette orientation se fait
dès le second trimestre de la première année
en faculté dArchéologie.
Ce
qui signifie quà nombre dannées
détudes post-baccalauréat égal,
létudiant égyptien a déjà
cinq années de pratique spécialisée
derrière lui. Il a donc eu le temps daborder
tous les aspects de la civilisation pharaonique (art,
archéologie, histoire, religion et tous les stades
de la langue) et la possibilité de se rendre in
situ pour travailler sur les monuments originaux.
Quelque
part, cest le meilleur type de formation que lon
puisse souhaiter à un futur égyptologue.
Une
discipline également enseignée en français
Depuis
quelques années, légyptologie égyptienne
prend un nouvel essor grâce à laction
combinée de divers facteurs. Lun dentre
eux est incontestablement linfluence de certains
grands égyptologues ou chercheurs égyptiens
de plus en plus médiatisés, dont les travaux
et les interventions font référence.
Il
faut ajouter à cela la refonte des modes denseignements
de la discipline à luniversité, le
développement des techniques modernes dinvestigation
et la proximité des missions archéologiques
étrangères.
Cest
grâce à cette évolution que la filière
francophone dégyptologie a pu être
créée à la fin des années
1990.
Tout
comme la section dépendant de la faculté
darchéologie du Caire qui dispense son enseignement
en langue arabe, le programme vise à promouvoir
légyptologie et offrir une approche plus
pratique de la langue française appliquée
à une science concrète, de terrain.
Il
fonctionne au sein de lUniversité et suit
le même programme.
Le
cycle proposé correspond à quatre années
pour obtention de la licence et dune année
supplémentaire pour lacquisition du «
magistère ».
Une
partie des cours (notamment lépigraphie et
tout ce qui touche à la langue égyptienne
ancienne) est dispensée en français par
des enseignants francophones de lUniversité
ainsi que par un coordinateur dépendant du Centre
Français de Culture et de Coopération (CFCC,
le Caire ).
Il
nest pas indispensable de posséder un bon
niveau de langue au moment de linscription. Toutefois,
létudiant qui se dirige vers cette section
sait quil aura un double effort à fournir
car, à terme, il devra être en mesure de
sexprimer et rédiger ses travaux en français.
Une
équipe du Centre a pour mission dassurer,
durant toute la durée du cursus, des cours de soutien
adaptés aux différents niveaux ainsi que
des cours dits « de spécialité »
(français appliqué à légyptologie).
Les étudiants sont, en fait, suivis au cas par
cas.
Lenseignement
théorique se double, par ailleurs, de contacts
sur le terrain avec les missions archéologiques
françaises, mais aussi étrangères,
encourageant louverture sur les deux autres grandes
langues de légyptologie, langlais et
lallemand.
La
section est actuellement composée de petits effectifs,
les jeunes femmes y sont majoritaires ce qui nest
pas étonnant dans un pays où elles ont largement
accès aux études supérieures. Certaines
étudiantes, particulièrement brillantes,
de la première promotion se sont vues offrir des
séjours linguistiques en France pour améliorer
leur pratique de la langue.
Des
stages dans des musées français sont également
envisagés pour leur fournir un complément
de formation en muséologie.
Le
cursus nest dailleurs pas réservé
aux étudiants égyptiens : la filière
a déjà accueilli une étudiante roumaine,
pour un trimestre, en auditeur libre, dans le cadre dun
programme déchange entre la Roumanie et lEgypte.
Un
séjour dun trimestre ou dun an en auditeur
libre au sein de la filière, pourrait permettre
à tout étudiant étranger de suivre
(ou continuer à suivre) un enseignement en égyptologie,
tout en découvrant, sur le terrain, les monuments
par lui-même ou grâce au programme dexcursions
établi par lUniversité.
Dans
un pays ou la francophonie a perdu beaucoup de terrain
depuis fort longtemps, cette filière originale
en offre une approche novatrice et concrète : la
langue de Molière ne sapprend plus pour marquer
une différence sociale ou briller culturellement
dans les salons, mais pour travailler, communiquer sur
une ressource de lEgypte qui nest pas prête
de se tarir : son patrimoine historique.
Les
étudiants qui achèveront dans les années
à venir leur formation avec succès sont
déjà pratiquement assurés dobtenir
un poste à responsabilités, soit auprès
des missions de fouilles, soit auprès dorganismes
égyptiens comme le Haut Conseil des Antiquités,
ou le Ministère de la Culture, soit enfin auprès
de lUniversité dArchéologie
elle-même.
Pour
en savoir plus :
-site
du Centre Français de Culture et de Coopération
du Caire : http://cfcc.ie-eg.com/
-responsable
des filières francophones : Mme Hoda.Boraï
-coordinateur
de la filière égyptologie : Mme Nathalie.Beaux-Grimal
NatBeauxGrimal@aol.com
Je
tiens à remercier Mme N.Beaux-Grimal du CFCC et
M.G.Laforêt du lycée Français du Caire
pour leur précieuse collaboration et le temps quils
mont consacré.
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