| Les 
                        études comparatistes constituent des exercices délicats, 
                        car elles nécessitent la maîtrise de plusieurs spécialités. 
                        Pour autant, elles sont indispensables. Comme le souligne 
                        légyptologue taiwanais Poo Mu-Chou, chaque culture 
                        se représente une certaine idée delle-même, qui 
                        ne peut être identifiée quen recourrant à laltérité[2]. Le chercheur qui travaille sur 
                        une autre culture que la sienne perçoit lobjet de 
                        ses recherches à travers son propre prisme culturel. Il 
                        commet donc, plus ou moins inconsciemment, une première 
                        comparaison. Mais cette comparaison souffre de son caractère 
                        duel : laltérité, prise comme un bloc, a tendance 
                        à être considérée exotique, étrange[3]. En analysant une seule civilisation, 
                        le risque est donc de tomber dans ce quon appelle 
                        le « culturalisme », récemment critiqué avec 
                        talent par lanthropologue Yves Schemeil[4]. Si, au contraire, on appréhende 
                        la diversité de laltérité en étudiant plusieurs 
                        civilisations, le moi perd son statut de référent unique, 
                        puisque lon peut comparer lautre avec lautre. 
                          LEgypte 
                        et la Chine sont séparées de plus de 4000 kilomètres, 
                        Memphis et Luoyang de plus de 6000. Chronologiquement, 
                        la civilisation des pharaons et celle de la Chine classique 
                        ne se chevauchent que brièvement. Lorsque, sous la période 
                        des « Printemps et Automnes », la Chine commence 
                        à sapprocher des niveaux de développement de lEgypte 
                        ancienne, celle-ci en est déjà à sa XXVe dynastie, 
                        aux derniers siècles de son histoire. Les empires thoutmoside 
                        et Tang, présentés comme les « apogées » de 
                        leur civilisation par lhistoriographie traditionnelle, 
                        sont distants de plus dun millénaire et demi.  Pour 
                        autant, des traits culturels communs ont déjà pu être 
                        remarqués. Les traditions funéraires possèdent plusieurs 
                        similitudes, comme lemploi des statuettes pour représenter 
                        magiquement lunivers sensible du défunt. En 1916, 
                        un court article du Journal of Egyptian Archaeology 
                        comparait les bas-reliefs des tombeaux Han (25-221) aux 
                        figurations des sépultures égyptiennes[5]. 
                        Lauteur, impressionné par les ressemblances, proposait 
                        lexistence dune influence de concepts égyptiens 
                        sur le développement de la culture chinoise, via la Perse 
                        et lInde. Ce lien généalogique, sil nest 
                        pas tout à fait hors de question, nest cependant 
                        confirmé par aucun témoignage indubitable. En tout cas, 
                        il nest aucunement indispensable, et ce nest 
                        pas lobjet de cette communication dessayer 
                        den étayer lhypothèse.  Parmi 
                        les ressemblances entre les deux civilisations, il en 
                        est une qui convient au thème de ce volume : il sagit 
                        du statut des aînés, de la dialectique maître-disciple, 
                        donc de léducation. Le sujet est vaste, et risque 
                        la généralisation et linterpolation. Mais il est 
                        riche. Utilisant principalement les textes confucéens 
                        dune part, et les « classiques » enseignés 
                        au Nouvel Empire dautre part, cet article sefforce 
                        de le circonscrire quelque peu.  A 
                        lorigine, léducation lettrée ne se distingue 
                        sans doute guère de lapprentissage des techniques. 
                        Comme la société a besoin dartisans et de guerriers, 
                        elle a besoin de scribes. Cette parenté des savoirs trouve 
                        un écho dans léducation traditionnelle de laristocratie 
                        chinoise, où le tir à larc est une composante aussi 
                        importante que lapprentissage des classiques[6]. 
                        Dans lEgypte ramesside, le passage par larmée 
                        est aussi un moyen de promotion rapide pour les jeunes 
                        scribes ambitieux. Cependant, la maîtrise des techniques 
                        de lécriture nest pas la seule vocation de 
                        léducation lettrée. Par le choix des documents utilisés 
                        par lapprentissage, elle véhicule une idéologie. 
                        Cela explique lintérêt quy porte le pouvoir. 
                        Des liens étroits unissent politique et éducation. Confucius, 
                        Han Feizi, Amenemhat et le père de Mérikarê sont à la 
                        fois hommes dEtat et maîtres-philosophes. Leur uvre 
                        enseigne donc, dans une large mesure, la conservation 
                        de lordre établi et la soumission à lautorité. I/ 
                        Maintenir lharmonie sociale et donner une place 
                        à lindividuParce 
                        que lenseignement est souvent lié au gouvernement, 
                        il comporte souvent  une partie importante sur la philosophie 
                        politique. Mais au-delà, il sattache également à 
                        se justifier dans le parcours individuel de chacun. 1°/ 
                        Lordre socialLenseignement 
                        a souvent pour premier objet léducation des princes. 
                        Les autres disciples sont presque tous de futurs fonctionnaires. 
                        Les relations avec leurs administrés en constituent donc 
                        un chapitre obligatoire. Les penseurs égyptiens et les 
                        confucéens sattachent à promouvoir le bien-être 
                        du peuple. Dans les « Entretiens » de Confucius, 
                        on trouve ainsi : 
 Entretiens, 
                        livre XII (Yun Shao), 9. Si le peuple vit dans le besoin, 
                        comment pouvez-vous vivre dans labondance ? Cela 
                        fait écho à la doctrine sociale égyptienne :  Sagesse dAmenemope, chap. 13, XVI, 1,5. Sil 
                        advient que des petites gens te sont débiteurs dune 
                        somme considérable, divise leur dette par trois.
 Cependant, 
                        si les effets, et probablement la raison originelle, sont 
                        les mêmes, la justification morale ne sopère pas 
                        de la même manière. Dans la pensée confucéenne, la valeur 
                        qui sert de référence est le  , la « vertu dhumanité » 
                        (ren, prononcer « jen »). Le caractère se compose 
                        de la clef de lhomme et du chiffre « 2 ». 
                        Il implique la réciprocité, laltruisme. Cette vertu, 
                        bien quelle puisse contenir une part de transcendantal, 
                        procède essentiellement du jeu des relations humaines. 
                        En Egypte, la vision est quelque peu différente. Le concept 
                        à respecter est celui de « Maât », la Vérité-Justice, 
                        représenté par une frêle déesse coiffée dune plume 
                        dautruche (  ). Il sagit dun ordre 
                        cosmique, transcendantal, à la fois norme et morale suprême 
                        des dieux et de lunivers. Son respect conduit à 
                        limmortalité après la mort, son non-respect à la 
                        destruction de lâme, avalée par la Grande Dévoreuse 
                        lors du jugement des morts. Des 
                        nuances enrichissent ce tableau général. Certaines uvres 
                        insistent moins sur la morale que sur laspect pratique. 
                        « Lenseignement pour Mérikarê » nexpose 
                        que lintérêt du souverain, comme les ouvrages de 
                        lécole légiste en Chine. Lordre social doit 
                        être maintenu pour préserver le pouvoir. Mais alors que 
                        les cyniques égyptiens favorisent plutôt une politique 
                        populiste, démagogique, les légistes comptent sur la terreur 
                        de la répression et la dureté de la loi, anticipant en 
                        cela Machiavel pour lequel il vaut mieux que le prince 
                        soit craint plutôt quaimé. La différence sexplique 
                        par le contexte géopolitique. Les royaumes combattants 
                        se déchirent pour lhégémonie : pour survivre, 
                        il leur faut mettre sur pied une économie de guerre en 
                        exploitant au mieux les ressources humaines. En Egypte, 
                        les périls extérieurs sont traditionnellement moins pressants, 
                        et le risque provient des factions : il sagit 
                        donc plus de satisfaire les sujets. Mais 
                        dans la plupart des cas, les sagesses chinoises et égyptiennes 
                        définissent un comportement modèle pour les relations 
                        humaines. Elles décrivent un homme idéal tempéré et modéré, 
                        qui se comporte bien en société, recherchant la compagnie 
                        des sages et des autorités morales, se gardant des mauvaises 
                        influences. Laccession à cet idéal nécessite cependant 
                        un long apprentissage. 2°/ 
                        Exhortations à létudeIl 
                        importe en premier lieu de convaincre les disciples que 
                        leurs efforts laborieux pour apprendre les classiques 
                        ne seront pas vains.  Sagesse dAny, P. Boulaq n°4, VII, 4-7. On fait 
                        tout ce que tu dis quand tu es versé dans les livres. 
                        Etudie les livres, mets-les dans ton cur, et tout 
                        ce que tu diras sera excellent.
  
 Confucius, 
                        Linvariable milieu, 20. Aimer létude rapproche 
                        de la connaissance, faire des efforts rapproche de la 
                        vertu dhumanité, connaître la honte rapproche du 
                        courage. Si lon a ces trois qualités, on peut se 
                        perfectionner ; si lon peut se perfectionner, 
                        on sait comment gouverner les hommes ; si lon 
                        sait comment gouverner les hommes, on sait gouverner tous 
                        les peuples de lEmpire. Les 
                        philosophes utilisent la persuasion, font miroiter les 
                        avantages dune culture élevée. Celui qui maîtrise 
                        lenseignement est capable des plus hautes fonctions. 
                        Cest un moyen dascension sociale qui permet, 
                        à la fois en Egypte et en Chine, de transcender les hasards 
                        de la naissance. Dès les Han, un système de concours impériaux 
                        est mis en uvre. Les classiques confucéens sont 
                        au programme, et des écoles fleurissent partout pour entraîner 
                        les candidats. En Egypte, les lettrés dorigine modeste 
                        peuvent accéder à des fonctions élevées sils ont 
                        fait leurs preuves dans un cursus honorum qui leur 
                        est ouvert.  Cependant, 
                        les maîtres ne dissimulent pas la difficulté de leur enseignement. 
                        Les Chinois utilisent le concept de la « voie », 
                        le Tao ( ), pour décrire le parcours idéal 
                        que doit suivre lapprenti-sage. On trouve un concept 
                        similaire dans certains textes égyptiens : le « chemin 
                        de la vie » (  ). La différence entre ces deux 
                        notions réside dans le caractère absolu et universel du 
                        Tao, à la fois insaisissable et présent dans toute chose. 
                        Les penseurs de lécole taoïste critiquent les confucéens 
                        qui prétendent enseigner le Tao avec des mots et des livres 
                        alors que celui-ci serait intransmissible. Selon eux, 
                        le maître-boucher qui dépèce la viande dune manière 
                        parfaite connaît mieux le Tao que Confucius. La « voie » 
                        égyptienne apparaît moins contraignante, plus concrète, 
                        ne constituant quune manifestation du concept suprême 
                        de Maât. Il 
                        convient, en second lieu, de dénoncer tout ce qui risque 
                        de détourner lécolier de létude, comme livresse, 
                        les armes ou le sexe.  
 Confucius, 
                        Entretiens, livre VII, 7. Lhomme de bien doit 
                        se garder de trois dangers : étant jeune, le courage 
                        et le caractère ne sont pas encore fixés, et il doit se 
                        garder du désir charnel ; devenu robuste, le courage 
                        et le caractère sont forts, et il doit se garder du goût 
                        pour les combats ; devenu vieux, le courage et le 
                        caractère saffaiblissent, et il doit se garder dêtre 
                        âpre au gain. Les 
                        textes égyptiens, comme la « Satire des métiers », 
                        tournent en ridicule le soldat en campagne, perclus de 
                        soif et de maladies, et lhabitué des « maisons 
                        de la bière », que lalcool et la fréquentation 
                        des prostituées font tomber en déchéance. En Chine, lalcoolisme 
                        et la luxure sont devenus des thèmes politiques. Dans 
                        le « Livre des documents » ( ), 
                        la chute de la dynastie de Shang est largement expliquée 
                        par le goût immodéré de ses derniers rois pour le vin 
                        et le sexe. De manière générale, les sages confucéens 
                        et égyptiens abhorrent toutes les formes dexcès : 
                        loutrance dévie du Tao, déséquilibre la Maât. Leurs 
                        pensées reflètent souvent la position officielle du pouvoir, 
                        soucieux de préserver lordre public. Mais elle est 
                        combattue par une culture de lhédonisme également 
                        très populaire. Les poètes chinois puisent leur inspiration 
                        dans les paradis artificiels et y oublient leur mal de 
                        vivre ; les nobles égyptiens tentent de conjurer 
                        la mort en faisant peindre dans leurs tombeaux des scènes 
                        de fêtes et de libations. La 
                        doctrine doit donc établir la supériorité des choses de 
                        lesprit sur celles du corps. Après avoir constaté 
                        linutilité du châtiment corporel pour contraindre 
                        son jeune disciple à létude, un maître égyptien 
                        le flatte : 
 P. Lansing, 2,8-3,1 (=LEM 101, 10-14). Tu es déjà 
                        une personne digne des livres, bien que tu ne puisses 
                        pas encore faire lamour. Ton cur est perspicace, 
                        tes doigts sont intelligents, ta bouche est apte à réciter. Lexemple 
                        est remarquable. Lélève, nubile, nest pas 
                        considéré par un adulte par la société, puisque lévolution 
                        de son corps ne lui permet pas encore de fonder un foyer, 
                        de procréer. Pourtant, il a déjà lâge de raison, 
                        il peut apprendre à écrire, à réciter les classiques : 
                        il na donc rien à envier aux capacités de ses aînés. 
                        Lauteur veut probablement ainsi insister sur le 
                        fait que cest surtout par léducation que lon 
                        devient un homme. La pensée didactique chinoise abonde 
                        dans le même sens. Sans éducation, lhomme peut se 
                        comparer à un morceau de jade brut : il ne peut servir 
                        à rien ; il nest pas accompli. Ainsi 
                        averti, létudiant peut se concentrer sur lapprentissage 
                        et la mise en pratique de lenseignement moral. II/ 
                        Promouvoir la soumission au pouvoir et la dévotion à lautorité 
                        des aînésParmi 
                        les qualités que doit posséder lhomme idéal égyptien 
                        et chinois, la dévotion à lautorité des aînés occupe 
                        une place essentielle. 1°/ 
                        De la piété filiale
 Confucius, 
                        Entretiens, livre IV, 18. En servant ses parents, il 
                        ne faut exprimer ses opinions que sur un ton modéré. Si 
                        ses idées ne sont pas acceptées, il faut garder le respect 
                        et ne pas désobéir. Même si cest pénible, il ne 
                        faut pas se plaindre. 
 Sagesse 
                        dAmenemope, chap. 27, XXV, 16-XXVI. Ninjurie 
                        pas un aîné ! Il a vu le soleil avant toi. Fais en 
                        sorte quil ne se plaigne jamais de toi au disque 
                        solaire à son lever, en disant quun cadet la 
                        injurié. Il souffre en présence du soleil, le cadet qui 
                        injurie un aîné. Sil te bat, laisse les bras croisés. 
                        Sil tinjurie, tais-toi. Dans 
                        les deux cultures, la piété filiale, et le respect des 
                        aînés en général, sont considérés comme des vertus majeures. 
                        Comme le montrent les scènes de funérailles figurées dans 
                        les tombeaux, elles dépassent la philosophie pour acquérir 
                        une dimension religieuse. Le culte des ancêtres est particulièrement 
                        bien documenté en Chine, extrêmement ritualisé, constamment 
                        présent dans la vie de tous les jours. Les monuments funéraires 
                        et les généalogies (surtout à partir de la Troisième Période 
                        Intermédiaire) montrent que les Egyptiens avaient également 
                        le soucis dhonorer leurs ascendants. Cependant, 
                        les deux sociétés possèdent des structures familiales 
                        très différentes : en Chine, le noyau est le clan, 
                        sidentifiant autour dun nom de famille et 
                        dun autel des ancêtres ; en Egypte ancienne, 
                        le foyer ne comprend en général que deux générations, 
                        et les patronymes sont inconnus. Dans la Vallée du Nil, 
                        le culte des ancêtres ne peut donc pas être aussi développé, 
                        à part pour les rois. En outre, alors quen Chine 
                        les enfants sont tenus à des périodes de deuils longues 
                        et contraignantes à la mort de leurs parents, en Egypte, 
                        lorganisation de lenterrement  le plus 
                        fastueux possible - et lentretien de la tombe constituent 
                        les seules obligations morales des ayants-droits. Cette 
                        attitude de dévotion à légard des parents et des 
                        aînés nest cependant pas toujours naturelle. Les 
                        auteurs en sont conscients, et ils sefforcent de 
                        trouver des arguments propres à couvrir les conflits de 
                        générations et dautorité.  
 Sagesse 
                        d'Any, P. Boulaq n°4, VII, 17‑20. Rends au double 
                        le pain que t'a donné ta mère. Charge-toi d'elle comme 
                        elle s'est chargée de toi. Elle t'a porté pendant longtemps 
                        et ne t'a pas abandonné lorsque tu es venu au monde. Elle 
                        s'est aussi mise sous ton joug et t'a donné le sein pendant 
                        trois ans. Alors que tu grandissais et que tes excréments 
                        étaient dégoûtants, elle n'était pas dégoûtée et ne disait 
                        pas : « J'en ai assez! » Elle t'a mis à l'école 
                        pour que tu sois instruit des livres. En 
                        Chine, les classiques célèbrent l'histoire édifiante de 
                        la mère du grand philosophe Mencius. Veuve, elle éleva 
                        seule son enfant. Elle alla habiter près d'une école, 
                        pour que son fils soit dans un environnement propice à 
                        l'étude. Et : 
 Glossateur 
                        de Mencius, cf. S. Couvreur, Les quatre livres, 
                        p. 208. Lorsque Mencius commença à étudier, un jour 
                        qu'il revenait de lécole, sa mère lui demanda où 
                        en étaient ses études. Voyant qu'il s'abandonnait à la 
                        paresse, elle prit un couteau, brisa son métier à tisser, 
                        et dit « Mon fils traite ses études comme 
                        je traite mon métier à tisser ». Mencius, plein de 
                        crainte, se mit à étudier avec ardeur et sans relâche 
                        du matin au soir. Les 
                        enfants doivent plus que la vie à leurs parents, ils leur 
                        doivent léducation de base, et aussi, pour les plus 
                        chanceux, lenvoi à lécole, qui seule peut 
                        faire deux des hommes complets. Les aînés sont donc 
                        les premiers maîtres, les livres denseignements 
                        sont souvent des discours dun père à son fils. Ainsi, 
                        les rapports maître-disciple, aîné-cadet et parent-enfant 
                        sont de même nature dans les deux civilisations. Cela 
                        ne veut pas dire quils ont tous exactement une valeur 
                        identique. Rien nest plus sacré que le lien de la 
                        filiation, placé au sommet des cinq relations définies 
                        par Confucius. Au-delà 
                        de lexpression naturelle dune gratitude, la 
                        soumission aux aînés est aussi la soumission au pouvoir. 2°/ 
                        Autorité des aînés et politiqueLes 
                        liens entre piété filiale et loyalisme politique sont 
                        clairement exprimés par les auteurs eux-mêmes. 
 Sagesse 
                        d'Any, P. Boulaq n°4, VI, 10‑12. Ne tassieds 
                        pas lorsqu'un autre est debout, sil est plus âgé 
                        que toi ou si ses fonctions sont hiérarchiquement supérieures. 
                        Dans cet extrait, le scribe utilise un jeu de mot : 
                        « âgé » et « fonctions » sont pratiquement 
                        homophones. Le supérieur est assimilé à laîné.  
 Confucius, 
                        Entretiens, livre 1, 2. Il ny a que très peu 
                        de personnes qui ont foi dans la piété filiale et fraternelle 
                        et qui sont enclines à se rebeller contre leur supérieur! Le 
                        respect de la hiérarchie, du pouvoir, de lordre 
                        établi, est lun des objectifs de ces textes. Lautorité 
                        repousse le chaos, le Léviathan préserve la société de 
                        la domination du plus fort. En cela, lEtat est déjà 
                        légitime aux yeux de ces penseurs. Ils préconisent lendurance 
                        face aux petites injustices et aux dysfonctionnements 
                        pour préserver la tranquillité de lensemble de la  
                        communauté. Il convient de conserver les institutions, 
                        la tradition, le rang du sang et de lâge afin de 
                        minimiser les risques de conflits, de ruptures, dinsécurité. 
                         Léducation 
                        lettrée apparaît donc souvent comme le moyen de faire 
                        régner la « loi du père », de conserver la prééminence 
                        de ceux qui sont déjà en place. En cela, elle a tendance 
                        à étouffer les pulsions individuelles. Pourtant, elle 
                        peut être détournée de son objet. En effet, l'étude n'est 
                        pas seulement une affaire contraignante, elle est souvent 
                        aussi source de plaisir. L'admiration pour les Anciens 
                        stimule l'esprit de création, et limitation servile 
                        des classiques cache parfois un véritable esprit dinnovation. 
                        Dautre part, la confrontation maître-disciple éclate 
                        dans certains passages confucéens, ainsi que dans la Sagesse 
                        dAny. Même si ces textes lutilisent comme 
                        argument pédagogique, lopposition de létudiant 
                        à lenseignement de son mentor est reconnue, laissant 
                        ainsi la marge au développement de lesprit critique. 
                        Lauteur du papyrus Cheaster-Beatty IV, qui exprime 
                        des idées qui se démarquent quelque peu des dogmes religieux, 
                        na pas une pensée très éloignée de celle de Mencius : 
 Mencius, 
                        chapitre Jin Xin Xia. Il vaudrait mieux ne pas avoir 
                        de livres que de croire tout ce qui est écrit. Bibliographie 
                        essentielle : Pour 
                        les textes égyptiens et leur bibliographie, cf. entre 
                        autres Miriam Lichtheim, Ancient Egyptian Literature, 
                        (trois volumes chronologiques), Bekerley-London-Los Angeles 
                        1975-76-77, et William Kelly Simpson (éd.), The literature 
                        of Ancient Egypt, New Haven-London, 1973. Pour 
                        les sources confucéennes, voir notamment Séraphin Couvreur, 
                        Les quatre livres (ouvrage de 1895, avec de nombreuses 
                        rééditions), et plus récemment Anne Cheng, Les entretiens 
                        de Confucius, Paris 1981. Lensemble 
                        de la philosophie chinoise fait lobjet de létude 
                        dAnne Cheng, dans Histoire de la pensée chinoise, 
                        Paris 1997. Un tel ouvrage fait défaut pour lEgypte 
                        ancienne, mais on peut se reporter à la série de livres 
                        de Miriam Lichteim sur Maât (le plus récent est Moral 
                        Values in Ancient Egypt, Fribourg 1997).
 
  
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                       |