Alias
1: Amenophis, Amenhotpe. Alias 2 : Akhnaton, Echnaton, Akhenaten,
Khouenaton.
Avant l'an 5
Seconde partie du règne
Amenhotep
IV - Akhénaton est un roi révolutionnaire
dans lequel certains contemporains ont voulu voir une sorte
de prophète. Mais cette vision est très différente
de celle qu'avaient de lui les anciens Egyptiens.
Prémices d'une révolution
Amenhotep IV
est probablement couronné à Thèbes,
suivant les traditions établies par ses prédécesseurs.
Des inscriptions le nomment « celui qui
a été choisi par Amon pour apparaître
en gloire des millions d'années ».
Bas-relief au musée du Caire.
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Cependant le début du
règne est déjà très innovant.
Un grand complexe cultuel est construit à l'est de
Karnak, dédié non pas à Amon-Rê
mais à une nouvelle forme du dieu solaire : « Le
vivant, Rê-Horakhty qui jubile dans l'horizon en son
nom de Shou qui est à l'intérieur d'Aton ».
Certes, cette phraséologie
n'est pas tout à fait nouvelle. Elle rappelle les
principes de la théologie héliopolitaine,
qui imprègne la religion égyptienne depuis
au moins l'Ancien Empire, et qui fait du monde la création
du soleil. Aton était jusque là une divinité
mineure, personnifiant le disque solaire. Déjà
Thoutmosis IV,
puis Amenhotep III,
grand père et père d'Amenhotep
IV, avaient montré un intérêt
certain envers cette tradition, peut-être pour renforcer
leur pouvoir personnel à la manière des prestigieux
bâtisseurs des grandes pyramides.
Mais l'iconographie, d'abord
classique, est vite bouleversée. Aton est représenté
par un soleil aux rayons terminés par des mains.
Le roi ordonne que son image soit celle d'un personnage
à la face émaciée et allongée,
au ventre proéminent, aux hanches larges et aux cuisses
épaisses. En cela, il ne se rattache à
aucun modèle préexistant. Cela témoigne
probablement d'un mélange de naturalisme (l'aspect
réel du roi) et de symbolisme (la fertilité
et l'androgynisme divin).
L'épouse du roi, Nefertiti,
bénéficie également d'un traitement
particulier. Une partie des nouveaux temples de Karnak la
représente accomplir les rites seule, sans son royal
époux, à la manière d'un corégent.
La rupture définitive
intervient entre l'an 4 et l'an 6. Amenhotep IV change son
nom en Akhénaton
(L'efficience d'Aton) et décide la création
d'une nouvelle capitale dans un lieu vierge de Moyenne Egypte.
Il la nomme Akhétaton (L'horizon
d'Aton - c'est la moderne Amarna).
Une
nouvelle religion pour un dieu vivant
Akhénaton
n'est pas qu'un créateur, c'est aussi un
destructeur, qui met en oeuvre une révolution
culturelle peut-être aussi violente que celle initiée
par Mao Zedong.
Ses séides, appuyés
par l'armée, parcourent les temples et effacent
les noms et les visages des dieux. Tous les revenus
des temples sont désormais redirigés vers
le domaine d'Aton, devenu le seul dieu officiel.
Ces transformations suscitent
sûrement des résistances. Pour les briser,
Akhénaton
s'entoure d'hommes nouveaux, d'extraction
modeste, qu'il élève au-dessus de l'aristocratie.
Comme l'art, l'architecture
est bouleversée. Il faut à présent
construire très vite pour ériger les édifices
qui mettent en scène la nouvelle idéologie.
Les grandes pierres de grès ou de calcaire sont remplacées
par des petits blocs de 60x25 cm environ,
plus faciles à transporter et à assembler,
les tatalat.
Le roi et la famille royale
deviennent omniprésents dans la vie du pays. Des
reliefs les représentent dans des scènes intimes,
non pas par spontanéité, mais pour ritualiser
tous les actes quotidiens des citoyens autour de la divinité
royale. C'est sans doute bien une forme de totalitarisme.
Désormais, l'adoration du roi est l'unique moyen
d'accéder au monde divin.
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Aton étend ses rayons bienfaisants
sur ses propres cartouches et ceux de Neferkhépérourê-Ouâenrê
Akhénaton et de Neferneferouaton-Nefertiti. |
Les conceptions funéraires
anciennes sont profondément modifiées. Les
tombes des courtisans d'Akhétaton sont orientées
vers l'est, le soleil levant. Sur les décors, la
famille royale est partout, seule capable d'intercéder
vers Aton. C'est là qu'on a trouvé des versions
du fameux hymne
à Aton, que l'on présente parfois
abusivement comme étant à l'origine du monothéisme.
Les inscriptions sont écrites dans une langue réformée,
synthèse entre l'égyptien classique et le
vernaculaire.
Néanmoins, malgré
l'interdiction des anciennes fêtes religieuses, la
révolution peine à s'imposer dans
la vie quotidienne du peuple. Les croyances traditionnelles
restent vivaces. Même à Akhétaton, certains
continuent à posséder des représentations
d'autres dieux qu'Aton comme en témoignent les objets
retrouvés dans les fouilles modernes.
Les mystères d'après
l'an 12
Chapiteau incrusté d'Akhétaton |
La majorité de la documentation
subsistante date d'avant l'an 12. De nombreuses hypothèses
ont été vivement débattues pour tenter
d'expliquer la période ultérieure.
A partir de l'an 14, Akhénaton
a une certaine Ankhetkhépérourê
Neferneferouaton comme corégente. Pour certains
chercheurs, il s'agirait de Méritaton, fille d'Akhénaton
et Nefertiti. Cependant, "Neferneferouaton" était
le premier nom placé dans le cartouche de grande
épouse royale de Nefertiti (voir l'illustration supra).
Il est donc peut-être
plus vraisemblable d'identifier Ankhetkhépérourê
Neferneferouaton avec Nefertiti. Celle-ci
serait devenue corégente comme aboutissement
ultime de l'idéologie atonienne identifiant
Akhénaton
et Nefertiti à Shou et Tefnout, le premier couple
issu du créateur dans la théologie héliopolitaine.
Le rôle de reine serait
alors revenu à leur fille Méritaton.
Succession
Akhénaton
meurt dans sa 17e
année de règne. Il a certainement été
enterré. Certains supposent que sa momie a été
ramené à Thèbes pour finir dans la
tombe KV55. Rien n'est moins sûr.
Un
certain Ankhkhépérourê Smenkhkarê-Djéserkhépérou
lui aurait brièvement succédé, d'après
les reliefs de la tombe du courtisan Mérirê
II à Akhétaton. Marc Gabolde a supposé
qu'il s'agissait du prince hittite envoyé par Soupilouliouma
à la demande de la veuve de pharaon. Mais il peut
sembler plus logique que cela soit Nefertiti, abandonnant
son nom de Neferneferouaton pour celui de Smenkhkarê
en passant de la corégence à la pleine
royauté.
Quoiqu'il en soit, il semble
clair que le nouveau pouvoir recherche une alliance avec
les représentants de l'Ancien Régime. Les
dogmes atoniens sont abandonnés, les persécutions
contre Amon arrêtées.
C'est bientôt le jeune
Toutânkhaton,
probablement fils d'Akhénaton
et d'une autre épouse que Néfertiti (comme
Kiya) qui monte sur le trône, change son nom pour
celui de Toutânkhamon, et abandonne Akhénaton.
L'ère amarnienne est alors pratiquement terminée,
et la XVIIIe dynastie entre en
agonie.
Postérité
Dès Toutânkhamon,
le règne est considéré comme une parenthèse
néfaste dans l'historiographie officielle.
A partir d'Horemheb, la destruction des
monuments du roi hérétique commence, continuées
par les ramessides. Akhénaton
disparaît des chroniques royales.
Peut-être en réaction
à son autoritarisme, les croyances funéraires
se développent et s'individualisent : le
défunt se passe désormais du roi pour atteindre
l'au-delà, et récupère à son
profit les formules magiques royales.
Cependant, lors de la redécouverte
de cet épisode singulier de l'histoire égyptienne,
à la fin du XIXe siècle,
certains ont voulu voir en Akhénaton
un prophète inspiré, découvreur du
monothéisme, amoureux de la paix. Récemment,
d'autres ont proposé de l'identifier à Moïse
voire à... Abraham.
Ces spéculations sont
vaines, et n'apportent rien d'autre que le miroir de nos
propres fantasmes ou d'une manipulation-distortion de l'histoire
égyptienne à des fins politiques ou religieuses.
Mais elles ont construit l'icône
d'Akhénaton
dans l'imagerie occidentale moderne, telle que la représente
par exemple E. P. Jacobs dans Le mystère de la
Grande Pyramide :
12/10/02 -
1/02/03
Renaud de Spens.
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Steffen
Wenig, Lexicon der Ägyptologie,
I, 210-220.
Claude Vandersleyen, L'Egypte
et la Vallée du Nil, tome 2, Paris 1995,
p. 409-465.
Jacobus Van Dijk, "The Amarna
Period and the Later New Kingdom", in Ian Shaw
(ed), The Oxford History of Ancient Egypt,
p. 272-290, Oxford 2000, 2002.
Nicolas Grimal, Histoire de l'Egypte
ancienne, Paris 1988, p. 291-320.
Claire Lalouette, Thèbes
ou la naissance d'un empire, Paris 1986, p. 505-546.
Le règne du Soleil: Akhenaton et Nefertiti,
catalogue de l'exposition de 1975 aux MRAH, Bruxelles
1975.
Cyril Aldred, Akhenaten King
of Egypt, Londres, 1988.
Donald B. Redford, Akhenaten:
the Heretic King, Princeton, 1984.
Nicholas Reeves, Akhenaten -
Egypt's False Prophet, Londres 2001.
Marc Gabolde, D'Akhénaton
à Toutankhamon, Lyon 1998.
Maarten J. Raven, « Les
fouilles de Leyde dans la tombe de Méryneith
à Saqqarah », BSFE 155,
octobre 2002, p. 11-31.
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