Alias
: Amenophis, Amenhotpe
Amenhotep
III est le pharaon qui a, après Ramsès
II, laissé le plus de monuments à son nom
dans la Vallée du Nil.
Une
famille bien connue
La
longueur de son règne - trente-huit ans - ne suffit
pas à expliquer la profusion de ses constructions.
Fils
de son prédecesseur le roi Thoutmosis
IV et d'une certaine Moutemouia,
il accède vraisemblablement très jeune au
trône. Au plus tard en l'an deux de son règne,
il est marié à Tiyi.
Cette
femme, en tant que « grande épouse royale »,
joue un rôle particulièrement important, souvent
présente aux côtés de son époux
dans l'iconographie. Elle entretient également une
correspondance diplomatique avec les puissances étrangères.
Elle n'est pas d'origine royale, mais fille de hauts dignitaires.
Son père, Iouya, est notamment « chef
de la cavalerie », « prêtre
de Min », et « père divin ».
Sa mère, Touyou, est « grande
des recluses d'Amon », et « grande
des recluses de Min ». Quant à son frère
Anen, il a la charge de « deuxième
prophète d'Amon » à Thèbes.
Il est exceptionnel d'en connaître autant sur la famille
d'une épouse royale. C'est peut-être l'indice
de la main-mise d'un clan aristocratique sur les plus hautes
fonctions de l'Etat. La tombe d'Iouya et Touyou est l'une
des rares tombes de particuliers à avoir été
creusée dans la Vallée des rois.
Le
renforcement de la nature divine du roi
Les yeux en amande sont caractéristiques de la
statuaire du roi. Musée
du Louvre |
Plus
que ses prédécesseurs, Amenhotep III
développe sa propre divinisation. Il puise pour cela
dans l'héritage idéologique de l'Ancien Empire,
et fait ériger un grand nombre de statues colossales
(dont certaines font près de 20 mètres de
haut, comme les fameux « colosses de Memnon »).
A l'image des rois des grandes pyramides, il cherche à
s'identifier avec le dieu solaire. Une de ses épithètes
les plus fréquentes est « Aton resplendissant ».
En
outre, il reprend et développe le mythe de la théogamie
déjà mis en valeur par Hatshepsout.
Sur le temple de Louqsor, qu'il reconstruit entièrement,
il affirme son origine divine : Amon
a pris l'apparence de Thoutmosis IV
pour s'unir à la reine Moutemioua et lui donner naissance.
Lorsqu'en
l'an 30 de son règne il peut célébrer
un jubilé (fête sed), il fait
entreprendre des recherches pour retrouver les rituels de
l'Ancien Empire et organise une fête fastueuse, rompant
avec la sobriété de la pratique de ses proches
prédécesseurs comme Thoutmosis III.
Deux autres jubilés ont lieu, en l'an 34 et en l'an
37. La fête sed est une institution très ancienne,
documentée dès l'époque prédynastique,
qui a pour objet de régénérer le pouvoir
d'un vieux roi (normallement la première a lieu après
30 ans de règne), simulant une mort et une renaissance.
Elle est devenu le témoignage de la faveur divine.
Constructions
Outre
le temple de Louqsor, il fait construire le IIIe
pylône à Karnak. A Thèbes-Ouest, son
temple funéraire est garni d'imposants colosses (aujourd'hui
ne restent visibles que les colosses dits de Memnon). Non
loin de là, il a également un palais à
Malqatta, devant un grand lac artificiel. C'est ce palais
qui devait accueillir les cérémonies des fêtes
sed.
Les colosses de Memnon |
D'autres
constructions sont connues à Heliopolis, Akhmim,
Athribis, Bubastis, Saqqarah, Hermopolis, Abydos, Soumenou,
Elkab.
Il
fait également bâtir en Nubie, notamment à
Soleb et Sedeinga, Eléphantine, Ouadi es-Seboua,
Aniba, Kawa, Sesebi.
L'architecte
le plus connu de l'époque est Amenhotep
fils de Hapou, qui reçoit le privilège
de faire construire son propre temple funéraire à
proximité de celui du roi, et de transmettre les
prières des hommes vers les dieux.
Un
empire au zénith
Peu
d'opérations militaires sont connues. La seule campagne
datée est celle de l'an 5, pour réprimer une
révolte en Nubie (commémorée sur trois
stèles, cf. Urk. IV, 1661-1666, 1793, 1959).
Cependant,
la puissance internationale de l'Egypte est alors particulièrement
forte. On peut parler d'impérialisme, notamment sur
le plan culturel et politique. La correspondance diplomatique
retrouvée à Amarna montre que des garnisons
égyptiennes étaient installées en divers
points de Syro-Palestine, pour prêter assistance aux
principautés inféodées à l'Egypte.
Mais il s'agit de la gestion d'un protectorat et non d'une
domination directe. En outre, l'Egypte reçoit aussi
de plus en plus d'influences étrangères.
Un
cosmopolitisme international dominé par la culture
égyptienne se développe. Il perdurera plus
longtemps que la domination militaire. Au début de
la XXIe dynastie (plus de 350 ans plus tard),
lorsqu'Ounamon
est envoyé en mission pour acheter du bois à
Byblos, il trouve à chaque escale des indigènes
parlant égyptien.
Au
début du règne, une série de grands
scarabées commémoratifs est émise
en grand nombre et envoyée partout, notamment à
l'étranger. Ils vantent la puissance du roi (le scarabée
de la « chasse aux lions » annonce
que le roi a tué plus d'une centaine de lions avec
ses propres flèches ; celui de la « chasse
aux taureaux » mentionne 96 bovins abattus),
la titulature du roi, l'origine de la reine et l'étendue
des frontières de l'Egypte (scarabée dit du
« mariage »), le raffinement de la
civilisation égyptienne (le scarabée du « lac »
indique que le roi a fait construire un grand lac pour la
reine), et son alliance avec le royaume du Mitanni (scarabée
de Kiloughépa).
Succession
Amenhotep III
avait un fils Thoutmosis, grand prêtre
de Ptah à Memphis. Mais celui-ci est probablement
mort avant son père, car c'est un fils cadet, Amenhotep
IV, le futur Akhénaton,
qui lui succède.
Certains
égyptologues proposent une corégence de près
de 11 ans entre Amenhotep III
et son fils, se fondant sur des critères stylistiques.
Cependant, la majorité des chercheurs considèrent
cette hypothèse comme très improbable.
Le
roi est enterré dans la tombe KV22, vaste et richement
décorée. Sa momie a été transportée
à la XXIe dynastie dans la tombe KV 35
(« deuxième cachette royale »).
11/03/02
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30/08/03
Renaud de Spens.
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Erik
Hornung, Lexicon der Ägyptologie,
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