Alias
: Thotmès, Touthmosis, Thutmes, Thutmose, Tuthmose,
Thutmosis, Djéhoutymès
GLRII,
262, XXXV
Thoutmosis III
a eu le règne le plus long de la XVIIIe
dynastie (54 ans). Sa personnalité et ses succès
à l'extérieur de l'Egypte ont marqué
durablement la mémoire des anciens Egyptiens.
Un
roi modèle
Le
règne de Thoutmosis III
commence nominalement à la mort de son père
Thoutmosis II.
Le nouveau roi a été formellement choisi lors
dun oracle dAmon (Urk.
IV, 155-176). Cependant, il est encore très
jeune, et cest sa belle-mère, la reine Hatshepsout,
qui exerce réellement le pouvoir. Peu à peu
(peut-être dès lan 2), celle-ci prend tous
les attributs de la royauté, et lEgypte connaît
alors une véritable corégence, avec deux rois
à la fois. Thoutmosis III
ne gouverne pas, mais est associé à tous les
évènements marquants sur les bas-reliefs.
Ce
nest quà partir de lan 22 que Thoutmosis III
jouit seul du pouvoir.
Son
activité constructrice est relativement importante.
A Karnak, à l'est de l'ancienne « cour du
Moyen-Empire », il édifie lAkhmenou,
salle jubilaire (voir la notice de touregypt.net).
Les VIe et VIIe pylônes, plusieurs
obélisques, un édifice près du lac sacré,
et les « piliers héraldiques » datent aussi
de son époque. Il fait également construire
en Nubie (Bouhen, Gebel Barkal, Saï, Amada, Ellessiya,
Ouronarti, Gebel Dosha, Pnoubs, Qasr Ibrim, Semna, Koumma,
Kouban), à Eléphantine, Assiout, Kom Ombo, Edfou,
Elkab, Tôd, Hermopolis Magna, Akhmîm et Héliopolis.
Léchanson royal et chef des travaux du roi Minmès
a supervisé un certain nombre de ces travaux (au moins
19), tout comme le premier héraut Iamounedjeh
et le grand prêtre
dAmon Menkheperrêséneb.
Expéditions
Le
roi est toutefois surtout connu pour ses activités
militaires, dont la chronologie nous est préservée
grâce au mur dit « des annales »
qui entourait le sanctuaire dAmon à Karnak. Ces
inscriptions font état de 14 campagnes en Asie de l'an
22 à l'an 42. Cependant, la vocation des « annales »
nest pas de décrire année par année
toutes les opérations guerrières, mais de comptabiliser
les produits étrangers que lactivité du
roi, militaire ou diplomatique, permettait au Trésor
dAmon dacquérir, et chacune des «
campagnes » nest pas une expédition denvergure.
Il
faut compléter ces annales par les autobiographies
des militaires Amenemheb et Tjanouny
(Urk. IV, 889-925 et Urk. IV, 1004, 4-10),
les stèles de Gebel Barkal, dErment et la « stèle
poétique » pour avoir une vision plus complète
des conquêtes du roi.
Le roi offre ses ennemis à Amon sur le VIIe pylône
de Karnak. |
La
première campagne, en lan 22, a permis à
Thoutmosis III
de se parer du prestige dun roi victorieux, et lon
sen remémore encore 20 ans après les faits
sur la stèle du Gebel Barkal. Pour soumettre une insurrection
dans le Retenou, larmée part de Memphis, puis
franchit les frontières de lEgypte à Tjarou.
10 jours plus tard, elle atteint Gaza, distante de près
de 300 km. Elle continue sa marche pendant 11 jours, jusquà
Yehem, où le roi réunit un conseil de guerre.
Deux options sont possibles : couper au plus court par le
défilé dArouna, route étroite et
dangereuse, ou faire un détour par le sud. Le roi choisit
la hardiesse pour surprendre lennemi. En 4 jours, les
troupes égyptiennes parviennent à Megiddo (l'Armageddon
de la bible), où lennemi est retranché.
La bataille a lieu le lendemain. Les ennemis partent en déroute.
Les comptes de la bataille ne font apparaître que 340
ennemis prisonniers et 83 tués, ce qui montre que lengagement
na pas été de grande ampleur. Les troupes
égyptiennes perdent du temps à piller le camp
ennemi, et ne peuvent prendre la ville immédiatement.
Celle-ci noffre sa reddition quaprès 7
mois de siège. Néanmoins, les conséquences
politiques de cette démonstration de force sont importantes
: tous les princes de la région font soumission à
lEgypte et lui envoient des tributs. Ils deviennent
inféodés au Pharaon, devant lui prêter
un serment dallégeance. Thoutmosis III
fait don de ces régions à Amon.
La
huitième campagne, en lan 33, est également
considérée comme cruciale par la propagande
royale. En effet, le roi traverse « le grand fleuve
du Naharina » (sans doute lEuphrate), dépassant
ainsi lavancée la plus septentrionale de son
aïeul Thoutmosis Ier.
Après avoir pillé la région, il mène
une chasse à léléphant à
Niya, et en massacre 120. Ces exploits cynégétiques
constituent une mise en scène du pouvoir royal qui
pose le souverain en maître des forces de la nature,
comme plus tard Amenhotep III
fait diffuser de nombreux scarabées en pierre qui narrent
sa « chasse au lion ». Le dépassement
de la « frontière » établie
par Thoutmosis Ier
(en fait seulement le point atteint par son armée)
rappelle un autre devoir royal, lélargissement
des confins du pays. Si lon ajoute que le butin est
versé à Amon, Thoutmosis III se pose donc en
archétype du roi parfait.
Ces
démonstrations de puissance sont parfois trop soulignées
par lhistoriographie, et certains auteurs, à
la suite de James Henry Breasted, ont voulu comparer Thoutmosis III
à Napoléon. Certes, ses campagnes militaires
sont nombreuses, et leur influence politique et diplomatique
ne doit pas être négligeable, mais léchelle
des opérations reste réduite ; il y a beaucoup
de razzias mais peu de batailles pour contraindre les princes
du Retenou à sallier à lEgypte plutôt
quau Naharina (ou Mitanni) et à affaiblir celui-ci.
Un
esprit cultivé
Frise
du "jardin botanique", Mariette, Karnak,
28.
|
De
plus, le roi se pose aussi en lettré, et les documents
permettent de reconstruire limage dun homme épris
de culture et dhistoire. A Karnak, il fait édifier
une salle des Ancêtres, avec une liste de rois commençant
avec Ménes. Dans lAkhménou, il entreprend
le « jardin botanique », espace orné
de bas-reliefs représentant toute sorte de faune et
de flore, avec une vocation quasi encyclopédique, sorte
donomasticon figuré. Lorsque son expédition
capture un rhinocéros en Nubie, il en fait consigner
les mensurations précises. Thoutmosis III
pratique également la calligraphie, comme en témoigne
son vizir Rekhmirê.
Cependant,
à partir de l'an 42, il fait marteler les cartouches
et les effigies de sa marâtre Hatshepsout.
Cette réaction tardive, 20 ans après son arrivée
au pouvoir, s'explique peut-être par la volonté
d'anéantir les prétentions royales de possibles
héritiers d'Hatshepsout.
Après
plus de 53 ans de règne, il est enterré dans
la tombe n°34 de la Vallée des Rois. Sa momie a
été retrouvée dans la cachette royale
de Deir el-Bahari. Il est succédé par son fils
Amenhotep II,
quil a eu de sa seconde épouse, Hatshepsout Méritrê.
Il est possible que cette succession se soit opérée
après quelques années de corégence.
Sous
la XXIe dynastie, il inspire le roi Paynejem
Ier qui donne le nom de couronnement de
Thoutmosis III,
Menkheperrê, à son fils, alors qu'il nomme sa
fille Maâtkarê, comme Hatshepsout. Sa mémoire
est encore évoquée à l'époque
lagide.
16/10/01
-
29/01/03
Renaud de Spens.
Bibliographie
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Donald
B. Redford, Lexicon der Ägyptologie,
p. 540-548.
Claude
Vandersleyen, L'Egypte et la Vallée
du Nil, tome 2, Paris 1995, p. 293-318.
Nicolas Grimal, Histoire de l'Egypte
ancienne, Paris 1988, p. 275-279.
Pascal Vernus, Jean Yoyotte, Les
Pharaons, Paris 1988, p. 162-163.
Dimitri Laboury, La statuaire de
Thoutmosis III, essai d'interprétation d'un portrait
royal dans son contexte historique, Liège
1998.
Betsy M. Bryan, "18th Dynasty
Before the Amarna Period", in Ian Shaw (ed), The
Oxford History of Ancient Egypt, p. 242-248, Oxford
2000, 2002.
Claire Lalouette, Thèbes
ou la naissance d'un empire, Paris 1986, chapitre
V.
Bibliographie
complémentaire (KV5.com).
Bibliographie
sur les annales de Thoutmosis III (Nicolas Grimal).
Jean-François
Pécoil, L'Akh-menou de Thoutmosis
III à Karnak. La Heret-ib et les chapelles attenantes,
Relevés épigraphiques, Le Caire 2000.
Jean-François Carlotti, L'Akh-menou
de Thoutmosis III à Karnak. Étude architecturale,
(2 vol.) Le Caire 2001.
Dimitri Laboury, "À propos
de l'authenticité de la momie attribuée
à Thoutmosis III (CG 61068)", GM
156 (1997), p. 73-79.
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