I/
Le système hiéroglyphique
-
déterminatifs et idéogrammes
Un
premier coup d'il à ce texte vous a déjà
permis de comprendre, si vous ne le saviez déjà,
que certains signes représentent ici des idées,
et d'autres des sons. Le verbe
est ainsi composé de trois hiéroglyphes. Le
premier se lit H+m,
le deuxième s.
Le troisième ne se prononce pas, il sert à indiquer
le sens, c'est ce que l'on appelle un déterminatif.
Il y en a un grand nombre, mais si l'on en comprend quelques
dizaines d'usuels (ils ne sont vraiment pas difficile à
retenir), on va pouvoir deviner, dans de nombreux cas, la
catégorie lexicale du mot.
Ainsi,
si l'on rencontre le mot ,
et même si l'on ne sait pas lire les caractères
qui précèdent le signe ,
on saura qu'il s'agit vraisemblablement du nom d'une ville.
Les déterminatifs se placent toujours en dernière
position. Et, comme l'ancien égyptien ne sépare
pas les mots et ne connait pas de signes de ponctuation (à
part éventuellement le point de prosodie poétique
et certaines marques en usage dans des listes administratives),
c'est bien utile pour décomposer une phrase.
Outre
les déterminatifs, d'autres signes peuvent avoir des
valeurs de symboles (on les appelle "idéogrammes"
en général).
Ainsi,
le symbole de Thèbes, le sceptre ouas auquel
est attaché la plume de la vérité-justice
sert
à écrire le nom de cette ville prestigieuse,
qui s'élevait à l'emplacement de l'actuelle
Louqsor (à ne pas confondre avec le temple de Louqsor,
qui n'en est qu'une partie).
-
phonogrammes et translittération
Il
reste que l'apprentissage des signes phonétiques
(= qui représentent des sons) sera l'un de vos premiers
efforts.
Une
petite parenthèse sur ce que les égyptologues
nomment la translittération : ces caractères
parfois étranges, que j'ai colorés
en vert, ne vous seront complétement lisibles
sur votre écran qu'après avoir téléchargé
une police spéciale (cliquer ici
pour obtenir une police windows, là
pour une police mac).
Pourquoi
une police spéciale ? Certains signes, comme le
h pointé H,
représentent des sons inconnus dans les langues occidentales.
Pour connaître leur valeur, se reporter au tableau des
signes unilitères plus bas.
Toutefois,
une autre perplexité devrait saisir ceux d'entre vous
qui ne sont pas familiarisés avec les langues sémitiques
: seules les consonnes et certaines semi-consonnes ou voyelles
longues sont notées (note : les semi-consonnes sont
des voyelles qui jouent le rôle de consonnes, comme
le son "ou" dans le mot "oui" en français).
Cela,
ajouté à la grande imperfection de notre connaissance
de la phonétique égyptienne, nous rend incapable
de prononcer correctement l'égyptien ancien. Dans la
plupart des cas, il est très difficile de deviner les
voyelles brèves que les Egyptiens n'ont pas notées.
Dans certains autres, le Copte ou d'autres langues qui ont
essayé de transcrire des mots égyptiens peuvent
nous aider. C'est ainsi que vous remarquerez qu'on peut transcrire
nfrt,
le nom de notre belle égyptienne, par "Nofret".
Il est en effet à peu près certain qu'entre
le n
et le f
existait une voyelle courte qui ressemblait à "o"
ou à "ou".
Cette
parenthèse refermée, continuons sur les caractères
phonétiques. Ils sont absolument indispensables.
Contrairement à ce que pensait Anathase Kircher au
XVIIIe siècle, on ne peut pas tout écrire en
symboles. Et la majorité des hiéroglyphes égyptiens,
vous le voyez bien dans ces trois phrases, sont employés
avec une valeur phonétique dans les inscriptions. Mais
au contraire du système alphabétique, certains
signes représentent plusieurs lettres.
On
trouve ainsi des caractères unilitères
(aussi appelés alphabétiques dans certaines
grammaires) qui sont certes très communs, comme ,
r,
, n
ou , f
, mais aussi des bilitères (deux lettres), comme
, H+m,
et enfin des trilitères (trois lettres), comme
,
n+f+r.
Vous
pouvez vous poser légitimement deux questions : 1°/
pourquoi les Egyptiens pour écrire n+f+r
ont-ils besoin d'un signe
alors que
semblerait suffire ? 2°/ pourquoi dans la deuxième
phrase du texte, le nom Nofret est-il écrit
et non pas ?
Avant de répondre à ces questions, disons tout
d'abord que toutes ces graphies sont théoriquement
possibles - l'orthographe égyptienne n'est pas complètement
impérative - mais que seule celle présentée
dans le texte, c'est-à-dire ,
est standarde (dans plus de 95% des cas). Il semble que le
choix de cette méthode un peu compliquée de
noter les sons a pour vocation d'aider à la lecture.
Dans ,
il faut lire n+f+r+t,
et non n+f+r+f+r+t.
et
jouent ici le rôle de compléments phonétiques,
peut-être un peu de la même manière que
, en tant
que déterminatif, a la fonction d'un complément
de sens.
Il
existe un grand nombre de signes phonétiques, et vous
les apprendrez graduellement. Voici déjà un
tableau des signes unilitères, qui sont les plus courants
(ne serait-ce que parce qu'ils sont employés comme
compléments phonétiques) :
|
A |
Une
sorte d'attaque vocalique, comme le "ha" dans
"les haricots" |
|
x |
comme
le "ch" dans l'allemand "ach" |
|
i |
i |
|
X |
sorte
de "tch" |
,
|
y |
y |
|
s,
z |
s,
anciennement z |
|
a |
Entre
"a" et "eu", comme dans "Allah"
prononcé par un arabophone. |
|
s |
s |
,
|
w |
ou |
|
S |
ch |
|
b |
b |
|
q |
k
du fond de la gorge |
|
p |
p |
|
k |
k |
|
f |
f |
|
g |
g |
,
|
m |
m |
|
t |
t |
,
|
n |
n |
|
T |
sorte
de "tj" |
|
r |
"r"
roulé, parfois "l" |
|
d |
d |
|
h |
h
comme en anglais |
|
D |
dj |
|
H |
h
plus fort |
|
|
|
La
prononciation est bien entendu approximative, et elle
a subi des variations au cours des âges. Avec ce tableau,
mis à toutes les sauces dans les ouvrages de vulgarisation
sur l'Egypte que vous avez sans doute déjà feuilletés,
vous pouvez faire croire que vous savez écrire les
hiéroglyphes, comme les bijoutiers égyptiens
modernes qui vous proposent de graver un cartouche à
votre nom. C'est un moyen amusant d'apprendre ces signes indispensables,
mais sachez que jamais un ancien Egyptien n'aurait écrit
votre nom avec ces seuls hiéroglyphes, et que de toute
façon, vous n'auriez pas eu droit au cartouche, privilège
réservé au roi d'Egypte, à la reine,
à la divine adoratrice d'Amon et à quelques
princes !
Il
y aurait encore bien d'autres choses à dire sur la
multiplicité des valeurs de certains signes, l'orientation
des hiéroglyphes, la façon de les grouper, mais
autant ne pas vous surcharger de descriptions de règles
que vous allez comprendre sans même avoir besoin qu'on
vous les dise. Et passons, tout de suite, à la grammaire.
II/
Syntaxe et éléments de grammaire
Ceux
qui ont déjà l'expérience des langues
orientales ne seront pas étonné par les phrases
sans verbe de l'ancien égyptien, comme à
la deuxième ligne. En français, nous avons besoin
d'un verbe être (qui joue le rôle de ce qu'on
appelle en linguistique une "copule"). En égyptien,
une simple apposition peut suffire. Le sujet se place en premier,
l'objet, qu'on nomme le prédicat, est en second. Dans
l'exemple de ce texte, on parle de phrase à "prédicat
nominal", parce que le prédicat est un nom.
Mais
il existe aussi des phrases verbales, comme à
la troisième phrase du texte. Il y en a plusieurs types.
Celui présenté ici est typique du moyen-égyptien,
la langue classique parlée pendant le Moyen-Empire
et longtemps restée écrite dans les textes officiels
et religieux. Remarquez la syntaxe (c'est-à-dire l'ordre
des mots) : verbe-sujet-complément. Le verbe
peut subir quelques variations de forme, mais il n'y a pas
de congugaison à proprement parler. Quand le sujet
est un pronom, on emploie les pronoms-suffixes de la liste
ci-dessous :
N.
B. J'ai mis le féminin d'abord, en compensation à
ces siècles de grammaires pendant lesquels on a toujours
mis le masculin en premier. Après tout, pour les linguistes,
seul le féminin est considéré comme un
cas "marqué", le masculin n'étant
en fait qu'un cas neutre (sauf bien entendu dans les langues
où se distingue un cas neutre à part entière).
Notez
qu'en translittération la valeur phonétique
de ces pronoms est précédée d'un point,
qui les lie au terme précédent (c'est pourquoi
on appelle ces pronoms des pronoms-suffixes) et permet
de les distinguer. Ainsi,
doit être translittéré Hms.i.
C'est une simple convention, qui n'est pas universelle : certaines
grammaires utilisent le signe = à la place du point.
La
première personne du singulier est souvent omise dans
l'écriture. Les pronoms-suffixes peuvent aussi avoir
la valeur de nos pronoms possessifs quand ils sont
placés après un nom (voir la deuxième
phrase du texte hiéroglyphique).
Pour
ne pas trop vous surcharger de détails pour cette première
leçon, je ne vous indique qu'un dernier point : le
(t)
placé en fin de mot (mais juste avant le déterminatif),
est la marque du féminin. Ainsi, nfr
signifie "beau", et nfrt
"belle".
Dans la plupart des manuels, on fait précéder
le t d'un point pour montrer qu'il s'agit d'un suffixe, et
on écrira nfr.t.
Voilà.
Vous avez maintenant été introduits aux bases
élémentaires de la langue égyptienne.
De nombreux manuels, dans toutes les langues, vous permettront,
si vous le désirez, d'approfondir vos connaissances.
Et éventuellement, si la demande est importante, Thotweb
pourrait mettre en place des cours électroniques.
Envoyez
vos critiques et vos suggestions à : forumthotweb@netcourrier.com.
Pour
les utilisateurs de logiciels hiéroglyphiques, voici
le "Manuel de Codage".
Leçon
2 - Capitaine Ahmès
20/10/02
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20/10/02
Renaud de Spens
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