Divinité
primordiale de l'Ogdoade, Thot est le dieu de la connaissance
et de l'écriture.
Le
scribe divin
Originaire
d'Hermopolis du Delta (XXVe nome de Basse-Egypte),
il s'implante très tôt à Hermopolis Magna,
en Haute-Egypte. Son importance s'étend également
à d'autres centres religieux. A Memphis, il s'intègre
à la cosmogonie de la capitale pour être assimilé
à la langue de Ptah, qui créa le monde par la
force de sa parole.
Un
passage du Livre de la vache du ciel explique
que Thot est choisi par Rê comme vizir alors que celui-ci
s'apprête à quitter le monde des hommes :
Budge,
Legends of the Egyptian Gods, p. 32-34.
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La
Majesté de ce dieu [Rê] dit : « Appelez,
afin que Thot me soit amené immédiatement ».
La
Majesté de ce dieu s'adressa à Thot : « Partons
du ciel, de ma place, pour aller à l'endroit où
je pourrais faire que la lumière éclaire l'Au-delà
et le pays des grottes. Tu en seras le scribe, et tu puniras
ceux qui s'y trouvent et qui ont commis des actes de rébellion.
C'est grâce à toi que je me débarrasserai
des serviteurs qui ont enragé mon cur.
Tu
seras à ma place, mon représentant, et on t'appellera
Thot-Séti-Rê (Thot représentant de
Rê).
Alors,
il te sera accordé d'envoyer (hab) des plus
nobles que toi en mission, et l'ibis (hab) de Thot
viendra à l'existence.
Et
il te sera accordé d'étendre la main [c'est
à dire de prendre la parole, cf. illustration infra]
devant les deux assemblées des dieux plus grands que
toi.
Tu
agiras encore mieux que Khen, et l'ibis Kheny de Thot viendra
à l'existence.
Alors
je t'accorderai d'illuminer les cieux de ta beauté
avec tes rayons, et la lune de Thot viendra à l'existence.
Je
t'accorderai aussi de pouvoir repousser (ânân)
les Haou-Nebou, et le babouin (ânân) de
Thot viendra à l'existence.
Tu
deviendras mon vizir. »
(sur
le livre de la vache du ciel, composition mythologique inscrite
dans la tombe de Toutânkhamon, Séthy I, Ramsès
II, Ramsès III et Ramsès VI, voir notamment
la page
de R. Montfort)
Ce
texte, politique tout autant que cosmogonique et religieux,
utilise des jeux de mots homophones pour présenter
les fonctions et les apparences du dieu.
Le
juge parfait
Thot
est représenté le plus souvent comme un homme
à tête d'ibis ou sous la forme d'un babouin.
Il tient parfois une palette et un calame de scribe, car il
est le « seigneur des paroles divines »,
le « scribe des dieux », présent
au tribunal divin (ainsi dans le mythe de l'héritage
d'Osiris), notant le résultat de la pesée de
l'âme des défunts passant devant Osiris (sur
les vignettes des livres des morts, voir image ci-dessous
et l'extrait du Livre de la vache du ciel ci-dessus),
comptant les années de règne et les jubilés
que les rois demandent aux dieux sur les murs des temples.
Sur
les scènes de la pesée de l'âme, Thot
est présent deux fois : représenté
sous la forme d'un babouin, il garantie la justesse de
la balance. Sous forme ibiocéphale, il note le
résultat de la pesée et promulge l'entrée
du défunt dans le royaume d'Osiris (fac-simile
du papyrus d'Any, British Museum). |
Deir
el-Bahari
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Pendant
la lutte qui oppose Horus et Seth, il prend parti pour le
premier. Lorsque le dieu du désert arrache l'oeil d'Horus,
Thot le soigne et le remet en place avec sa salive. L'oeil
d'Horus peut aussi être assimilé à la
lune, et une autre histoire présente Thot comme celui
qui va chercher la lune. Il est donc aussi un dieu lunaire,
associé à Ioh et à Khonsou,
lui donnant le caractère ambivalent de la lumière
et des ténébres (les mystères et la magie).
Il
est le dieu qui a créé l'écriture et
les différents langages humains, et les scribes sont
sous son patronage. Il est également le garant du bornage
des champs, le « vizir qui juge avec justice »,
la divinité vers qui on s'adresse pour obtenir une
promotion sociale. En effet, ceux qui maîtrisent les
connaissances peuvent accéder à des postes enviables
en Egypte, même s'ils sont de petite naissance. La
connaissance et l'intelligence sont des qualités très
valorisées dans la culture égyptienne. Le conte
de Khâemouaset, qui est prêt à subir toutes
les malédictions pour pouvoir posséder les papyrus
sacrés de Thot, en constitue une métaphore distrayante.
Le
messager
Outre
ses fonctions juridiques, Thot est le messager des dieux.
Ainsi, sur l'image ci-contre, tirée des scènes
de la naissance divine d'Amenhotep III du temple de Louqsor,
Thot annonce à la reine Moutemioua qu'elle va mettre
au monde l'enfant d'Amon.
C'est
pour cela - et pour ses liens avec la connaissance et la magie
- que les Grecs l'assimilent à Hermès Trismégiste.
A
travers l'identification à Hermès Trismégiste,
Thot survit ainsi à la disparition de l'Egypte ancienne
pour peupler l'imaginaire des alchimistes, qui voient en lui
l'inspirateur de la Table d'émeuraude, ouvrage à
l'origine de leur discipline.
Gallerie
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Hérihor
fait offrande à Thot-qui-est-dans-le-domaine-d'Amon
accompagné de Maât, temple de Khonsou,
18
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Thot
sous forme de cynocéphale, Musée
du Louvre
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Thot
présente les deux uréi au roi, temple
d'Abydos.
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Bibliographie
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Lexicon
der Ägyptologie.
Maria-Theresia Derchain-Urtel, "Thot à
Akhmim" Hommages à Francois Daumas.
Montpellier, 1986, p. 173-180.
Maria-Theresia Derchain-Urtel, Thot à
travers ses épithètes dans les scènes
d'offrandes des temples d'époque gréco-romaine,
(Rites égyptiens, 3) Bruxelles 1981.
Danielle Bocquillon, "Thot de Pnoubs (la
ville) ou Thot du Nebes (l'arbre)" RdE 39
1988, p. 47-62.
Dieter Kessler,
"Der Gott Thot-Stier", in Dieter Kessler,
Regine Schulz (éd.) Gedenkschrift fur Winfried
Barta: Htp dj n Hzj, MÄS 4, Frankfurt am Main
1995, p. 229-245.
Jan Quaegebeur,
"Thot-Hermes, le dieu le plus grand!" Hommages
à Francois Daumas, Montpellier 1986, p. 525-544.
Gérard Santolini, "Thot, le babouin
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Gutbub. Montpellier 1984, p. 211-218.
Serge Sauneron,
Jean Yoyotte,
"Le cynocéphale [E35] comme graphie du nom
de Thot." RdE 7 1950, p. 9-13.
Alain-Pierre Zivie, Hermopolis et le nome
de l'Ibis, recherches sur la province du dieu Thot en
Basse Egypte. I. Introduction et inventaire chronologique
des sources. BdE 66/1. Le Caire 1975.
Alain-Pierre Zivie,"L'Ibis, Thot et la coudée."
BSFE 79 1977, p. 22-41.
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11/10/01-
8/05/02
Renaud de Spens.
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