COMPTES RENDUS

Benoît Lurson, Lire l'image égyptienne. Les salles du trésor du Grand Temple d'Abou Simbel, éditions Geuthner, Paris 2001, 191 p. et 14 pl. (ISBN : 2-7053-3694-X).

Benoît Lurson est un jeune docteur en égyptologie spécialisé en iconographie. Il a déjà écrit de nombreux articles, et tente de promouvoir une lecture méthodique de l’image égyptienne. Cet ouvrage reflète une partie de son travail de thèse.

Les salles du Trésor du Grand Temple d’Abou Simbel peuvent former une sorte de paradigme, car elles sont bien conservées et offrent un ensemble cohérent à l’analyse iconographique.

Benoît Lurson entreprend l’étude des scènes avec la même rigueur qu’un philologue explique un texte. Cela implique un effort initial de la part du lecteur pour assimiler le fonctionnement des schémas de l’auteur, de la même manière que lire une inscription demande une formation en grammaire. On peut suivre alors avec grand intérêt la description ordonnée de tous les tableaux des salles du Trésor.

Offrandes, couronnes, divinités, rituels, symétrie et dissymétries, relations croisées et parallèles : ces éléments et ces réseaux de symboles composent un langage beaucoup plus ordonné et réfléchi que le profane pourrait le croire. C’est un des mérites de Benoît Lurson que d’essayer de le comprendre et de le faire comprendre.

Une fois le livre refermé, on est tenté d’essayer d’appliquer cette méthode d’analyse à d’autres scènes, à d’autres époques. Et il faut constater que ses principes fonctionnent bien. Certaines règles sont simples, déjà connues, comme le procédé « d’encadrement » : deux scènes à peu près similaires servent à mettre en valeur le tableau qu’elles encadrent. D’autres, figures de styles révélées par l’analyse de Benoît Lurson, sont moins évidentes, comme l’anacolute ou la synecdoque.

La lecture de cet ouvrage est donc utile pour tous ceux qui désirent comprendre en profondeur la culture égyptienne. Elle fournit des outils pour « lire » un ensemble de scènes, pour mieux les appréhender. Les bases de cette méthode, que chacun pourra adapter, sont d’autant plus faciles à assimiler, passée la première difficulté de la lecture des schémas, que le livre de Benoît Lurson est accompagnée de planches figurant la disposition des scènes, dans un volet rabattable.

Cet opus peut aussi constituer un guide sur Abou Simbel (une partie seulement), plus maniable que les publications du CDAE. Cependant, il comporte quelques limites. On regrettera particulièrement la rareté des tentatives d’explications pluridisciplinaires, téléologiques. L’objet de Benoît Lurson est de construire une méthode d’analyse de l’iconographie, non de lui donner un sens. C’est sans doute de la modestie, mais on aimerait encourager l’auteur à parfois aller plus loin.

Il faut saluer l’initiative des éditions Geuthner de lancer avec cet ouvrage une collection de travaux de jeunes docteurs en égyptologie. Le format et l’agencement des planches est pratique. La reliure, toutefois, se déchire facilement. Mais pour 29 euros (190FF), le défaut est mineur. On espère que ce volume aura du succès et sera suivi par d’autres.

Cette collection, « études d’iconographie égyptienne », contribuera à faire davantage prendre conscience aux égyptologues de l’importance du « langage » iconographique. Comme l’écrit l’auteur : « Il peut paraître surprenant de parler de « figures de style » à propos d’images, ce vocabulaire étant plutôt réservé aux textes écrits. Toutefois, leur utilisation dans la composition des ensembles iconographiques se constate et s’impose et leur donne la dimension d’un langage iconographique, construit à partir de signes figuratifs ».

Renaud de Spens, 2002

Voir aussi la page de l'éditeur : http://www.geuthner.com/

7/04/02
© Renaud de Spens, 2000 -