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Les pharaons : pouvoirs et limites
 

Quelques rois

XVIIIe dynastie
Ahmosis
Amenhotep I
Thoutmosis I
Thoutmosis II
Hatshepsout
Thoutmosis III
Amenhotep II
Thoutmosis IV
Amenhotep III

Le roi n’est pas un homme comme les autres. Les anciens Egyptiens le considèrent comme choisi par les dieux. Ils lui reconstruisent même une généalogie mythique pour faire de lui le fils des dieux.

Un mandat divin

La source de l’autorité est en théorie la légitimité divine. Le pouvoir de commandement et de coercition était exercé par le dieu Rê aux temps mythiques où les dieux régnaient directement sur la terre. Passé à Osiris, puis disputé entre Horus et Seth, il est confié à un homme d’exception, le roi, que les dieux sont censés couronner eux-mêmes, comme le montrent les bas-reliefs.

Souvent, à partir du règne de Thoutmosis I, le roi ajoute dans un de ses cartouches l’épithète « sétep-en-X » (stp-n-X), « élu du dieu X ».

Ainsi, le nom de couronnement de Ramsès II se lit Ousermaâtrê - Sétepenrê (wsr-m3‘t-R‘ stp-n-R‘), « Puissante est la Justice de Rê – Elu de Rê ».

Sélectionné « parmi des millions d’hommes » pour hériter de la royauté de Rê, le pharaon est aussi « le fils des dieux », par le mythe de la théogamie (mariage divin, en grec). La divinité s’est mystiquement incarnée dans le père biologique du roi le jour de la conception, comme l'expliquent les scènes de la naissance de la reine Hatshepsout à Deir el-Bahari. De quel dieu s'agit-t-il? Le plus souvent, c'est Amon-Rê, le roi des dieux. Mais d'autres divinités sont aussi présentées comme pères ou mères du souverain dans des contextes locaux. Le lien charnel n'est que la mise en image d'un lien mystique.

Cette « théocratie » (gouvernement divin) n’est pourtant pas aussi absolue qu’elle le paraît.

Une autorité limitée

Le roi, comme les dieux, doit se conformer à une norme supérieure : Maât. En outre, son administration exerce un rôle de conseil et de contrepouvoir.

Le concept de Maât, l’ordre cosmique, la vérité-justice, s’incarne en une frêle déesse coiffée d’une plume d’autruche. C’est la norme morale suprême. Son respect entraîne la survie de l’âme. Son non-respect conduit à la destruction par la dévoreuse lors du jugement des morts. Le rôle principal du roi est de la faire régner. De nombreuses scènes le montrent en train d’offrir Maât aux dieux. Maât constitue plus que la conservation de l’ordre établi : elle implique le respect de la personne humaine.

Le conte du papyrus Westcar met en scène le roi Khéops et le magicien Djédi :


Le roi Khéops et les magiciens. P. Westcar, 8,12-17.
Sa Majesté demanda : « Est-ce vrai ce que l’on raconte, que tu sais recoller une tête coupée ? »
Djédi répondit : « Oui, je sais le faire, ô souverain, vie, force, santé, mon seigneur ! »
Sa Majesté dit : « Que l’on amène un prisonnier de la prison, et qu’on le mette à ta disposition afin que tu l’opères. »
Djédi répondit : « Mais pas sur des hommes, ô souverain, vie, force, santé, mon seigneur ! On ne peut pas ordonner de faire une chose pareille sur le noble troupeau
[les êtres humains] ! »
 

A ce garde-fou philosophique, religieux et moral de l'autorité s'ajoute une pratique consensuelle des prises de décisions.

Même des souverains au pouvoir personnel particulièrement fort, comme Thoutmosis III ou Ramsès II, passent par l'avis de leur conseil. C'est clairement montré dans les récits de campagnes militaires. Les rois écoutent leurs conseillers, même si, en tant que seuls détenteurs du commandement ultime, ils ne sont pas tenus de les suivre.

De plus, les pharaons consentent de larges délégations de pouvoir à certains hauts fonctionnaires. Ceux-ci, comme le grand prêtre d'Amon-Rê de Karnak, sont en théorie nommés par le roi, mais obtiennent souvent le privilège de passer leur charge à leur fils. Il se constitue donc des formes de réseaux aristocratiques ayant leurs propres intérêts, et pouvant donc jouer des rôles de contrepouvoirs ou de groupes d'influence politique.

Le peuple dispose quant à lui de formes d'actions sociales tolérées, comme le droit de grève. Ainsi les artisans de Deir el-Medineh cessent le travail sous Ramsès III pour protester contre le retard de leur salaire. Ils ne le reprennent qu'après avoir obtenu des garanties du vizir, second personnage de l'Etat.

Ces principes de la royauté structurent fortement la pensée égyptienne. Ils créent un système politique dont l'idéal est le prestige d'une institution incarnée théoriquement en un seul homme, mais aussi la modération d'un gouvernement que le roi partage en pratique avec tous ceux qui restent dans l'ombre du trône.

 

Bibliographie

Marie-Ange Bonhême, Annie Forgeau, Pharaon. Les secrets du pouvoir, Armand Colin, Paris 1988.

Bernadette Menu, « Principes fondamentaux du droit égyptien », in Recherches sur l'histoire juridique, économique et sociale de l'ancienne Egypte, II, Bibliothèque d'Etude 122, Institut Français d'Archéologie Orientale, Le Caire 1998, p. 11-20.

Nicolas Grimal, Les termes de la propagande royale égyptienne, de la XIXe dynastie à la conquête d'Alexandre, Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris 1986.

3/01/00- 10/06/02 © Renaud de Spens.